Théâtre
Isabelle Huppert hallucinatoire dans Mary Said What She Said de Robert Wilson

Isabelle Huppert hallucinatoire dans Mary Said What She Said de Robert Wilson

23 April 2023 | PAR David Rofé-Sarfati

Mary Said What She Said a vu le jour à l’Espace Cardin, où il a été répété et créé en 2019, dans le cadre des saisons hors les murs du Théâtre de la Ville. La reprise jusqu’au 14 mai est à ne pas rater.

 

Une histoire vraie

Mary Said What She Said est un monologue intérieur de 86 paragraphes divisé en trois parties, qui dès le début livre son dessein :  mémoire, libère ton cœur. Il est la récapitulation que se fait pour elle-même Marie Stuart, reine d’Écosse. Ce long exercice d’anamnèse s’effectue alors qu’elle vient d’être condamnée à être exécutée à la hache par sa cousine la reine d’Angleterre, Élisabeth Ire, qui l’accuse d’avoir comploté contre elle.

Une pièce extrême

Un lourd rideau rouge, et accroché à lui un écran où en boucle un chien noir et blanc tourne sur lui-même en tentant d’attraper sa queue. Puis le rideau se lève sur un plateau électrique et vide ; le petit chien sympathique aura disparu, laissant sa place au soliloque le plus tragique :  celui de Marie Stuart cheminant vers sa mort.

Isabelle Huppert est hallucinante sous la direction de Robert Wilson. Une drôle de direction et de scénographie toutefois, et l’on se demande si Bob Wilson aime son actrice tant il sature les motifs, tant la musique, magnifique, mais jouée forte, oblige la comédienne à combattre. Et c’est bien ce sentiment étrange qui nous saisit. Pendant que nous sommes invités dans la psyché même de Marie Stuart, à l’écoute de son désordre, de son désespoir et de sa rage, nous sommes aussi invités à assister au combat acharné, mais victorieux, entre Isabelle Huppert et son metteur en scène. Le résultat est extrême de beauté.

Les témoignages de l’époque rapportent que le bourreau était saoul et qu’il eut besoin de trois coups de hache. La comédienne sera aussi robuste que son personnage. Torturé par son metteur en scène, elle est incassable dans ce soliloque mental et musical. Elle se confond avec son personnage ; elle est une femme libre, émancipée, vindicative. Elle possède une piquante intelligence sur elle-même et sur cette société des hommes au sein duquel le destin d’une femme est semé d’embuches et d’interdits. 

Le prestigieux New York Times dans son classement des 25 meilleurs acteurs et actrices du XXIe siècle a nommé à la première place l’Américain Denzel Washington, à la seconde, meilleure comédienne, la française Isabelle Huppert. Dans ce monologue hallucinatoire, la comédienne, telle une funambule de l’art du contrepoint défie l’espace vide, les lumières violentes et les obscurités menaçantes. A cet inconfort de l’artiste répond notre jubilatoire malaise à rester en apnée une heure vingt aimantés par les mots terribles et le jeu quasi surnaturel de notre vedette nationale.

 

 

 Mary Said What She Said

du 13 avr.14 mai 2023 au Théâtre de la Ville, espace Pierre Cardin

 

MISE EN SCÈNE, DÉCORS & LUMIÈRES ROBERT WILSON AVEC ISABELLE HUPPERT

TEXTE DARRYL PINCKNEY

MUSIQUE LUDOVICO EINAUDI

 

crédit photo LUCIE JANSCH

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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