Théâtre
Inégal “Le plus heureux des trois” à La rose des vents

Inégal “Le plus heureux des trois” à La rose des vents

19 January 2014 | PAR Audrey Chaix

Pour commencer l’année 2014, La rose des vents a invité Dominique Sarrazin, fondateur de la compagnie Théâtre de la Découverte, pour la création de sa nouvelle pièce, adaptée du vaudeville de Labiche, Le plus heureux des trois. Théâtre de quiproquos fondé sur le trio comique qu’est le mari, la femme et l’amant, ce genre de proposition étonne à La rose des vents, preuve que la scène nationale sait faire preuve d’ouverture. Sept comédiens enthousiastes, menés par Dominique Sarrazin dans le rôle du mari, donnent ici chair au théâtre de Labiche.

Dans un décor relativement sobre pour du théâtre de boulevard – un fond de scène où sont installés les deux portes qui serviront aux entrées et sorties des personnages extérieurs, une tête de cerf qui sert de boîte aux lettres aux amants, un canapé, une console, deux tableaux, l’un de feu la première Madame Marjavel, l’autre de l’actuelle : c’est en quelque sorte le service minimum du décor pour un vaudeville, sans que cela ne gêne pour autant, au contraire. Sur la grande scène de La rose des vents, cela permet aux comédiens de bénéficier d’un espace de jeu conséquent, ce qui leur donne toute latitude pour s’en donner à cœur joie. Le mari, la femme, l’amant, l’oncle de l’amant qui fut l’amant de la première femme, le mari qui lui aussi se complaît à séduire les servantes, un cocher (invisible, toujours !) qui fait chanter son monde, la cousine de l’amant qui aimerait bien l’épouser, et un couple de serviteurs alsaciens peu scrupuleux… ça a l’air compliqué, mais c’est pourtant très simple, comme dans tout vaudeville qui se respecte. Car l’important n’est pas dans l’intrigue, qui n’a, somme toute, rien de bien originale, mais dans la richesse des dialogues, qui comprennent de véritables pépites, et l’absurdité des quiproquos, parfois réellement abracadabrantesques.

Sauf que, si l’on sourit souvent, on se prend rarement – voire, pas du tout – à rire à haute voix, ce qui est un peu dommage pour du théâtre de boulevard. Certes, le duo Dominique Sarrazin – Christophe Carassou, le mari et l’amant, fonctionne très bien, avec un Carassou très en forme dans le rôle du jeune homme veule et désargenté qui se rend bien compte qu’en pincer pour la femme de son ami n’est peut-être pas la meilleure des solutions pour être heureux dans la vie. Annick Gernez semble un peu perdue dans le rôle de Mme Marjavel : telle qu’elle est dirigée, elle ressemble davantage à une belle-mère un peu empotée qu’à une amante enfiévrée, et ne rend guère crédible l’amour fou que lui porte le fougueux jeune homme prêt à escalader des gouttières pour la rejoindre dans sa chambre. La pauvre Adeline-Fleur Baude n’est guère mieux lotie : si le rôle de la bonne lui va comme un gant alors qu’elle se rit de ses maîtres en les faisant chanter, celui de la jeune cousine Berthe, qui se ridiculise à courir après le jeune amant, lui donne simplement l’occasion de s’égosiller d’une manière quelque peu agaçante – mal dirigée dans ce rôle, elle ne parvient pas à former un contre point face à sa rivale.

En revanche, Cyril Brisse campe un Monsieur Jobert pompeux à souhait, qui rappelle à lui seul l’univers de Labiche et de la France du Second Empire avec son uniforme, sa fine moustache et son honneur indéfectible. Pour compléter la distribution, Marie Boitel et Bruno Buffoli interprètent avec saveur le couple de serviteurs alsaciens peu scrupuleux, rappel que la pièce a été écrite quelques mois seulement avant la bataille de Sedan et la perte de l’Alsace et la Lorraine par Napoléon III.

On reste donc sur un goût d’inachevé lorsque le rideau tombe, comme si la mise en scène de Sarrazin était passée à côté de quelque chose : un manque de rythme peut-être, ou une distribution qui en fait parfois trop. Une tournée est programmée, gageons qu’elle permettra d’aplanir les dernières imperfections. Reste que l’heure quarante durant laquelle se déroule la pièce reste divertissante, et permet de découvrir un texte de Labiche qui n’est pas parmi les plus connus.

 

Photos : Ettore Marchica

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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