Théâtre
Hernani à la Comédie Française : La bataille

Hernani à la Comédie Française : La bataille

07 February 2013 | PAR Ruben Moutot

Nicolas Lormeau met en scène Hernani au théâtre du Vieux Colombier de la Comédie Française. Fort de son passé glorieux, le texte de Victor Hugo sonne et résonne avec éloquence mais ne brille pas avec l’éclat d’antan.
L’histoire commence le 25 février 1830, à la Comédie Française justement. Lors de sa première représentation, la pièce d’Hugo ne fit pas l’unanimité et bien vite, les sifflets des partisans de l’académisme se heurtèrent à l’enthousiasme de la jeune garde romantique. Malgré ce conflit naissant qui marqua une rupture dans la littérature française et les échauffourées qui eurent lieu dans le prestigieux théâtre, la pièce fut un succès. Elle consacra le genre du drame romantique en ringardisant les œuvres classiques.
Il faut dire que dans les vers d’Hugo, le lyrisme est poussé à son paroxysme et l’exaltation des sentiments totale : l’écrivain français le plus fameux prolonge ici ce qu’il avait entamé en rédigeant la préface de Cromwell. Le texte conte l’histoire d’une jeune femme noble, Doña Sol, promise à son oncle duc mais qui est tombée amoureuse du chef des bandits, Hernani. Le roi Don Carlos lui-même courtise la belle et cette dernière propose donc à son amant de s’enfuir. Mais Hernani veut venger la mort de son père, jadis condamné par l’ancien roi, père de l’actuel. Alors que le brigand amoureux est poursuivi par les sbires du roi, le duc lui offre refuge dans son château, et cela en dépit de sa liaison avec la femme qui lui est promise. En signe de reconnaissance envers le duc, Hernani lui remet son Cor et précise qu’il peut le faire sonner à tout moment, pour reprendre ainsi sa vie. Le roi est finalement couronné empereur et abandonne Doña Sol à Hernani. Mais alors que les deux jeunes amants sont en pleine idylle, Le duc revient avec le Cor pour réclamer la vie de son rival et les deux amants passent leur nuit de noces dans la tombe, avec du poison comme seul nectar. Epopée rocambolesque, la pièce est une réflexion sur l’amour mais avant tout sur l’honneur.
Aujourd’hui, elle fait son retour par la petite porte du théâtre du Vieux-Colombier. Et si la plume d’Hugo est toujours aussi flamboyante, les rimes toujours aussi raffinées, il reste comme un petit arrière-gout amer, celui d’une magie rêvée qui ne parviendrait pas jusqu’à notre siècle. Idéalisation d’un mythe passé ? Peut-être. Inadéquation d’un texte qui n’a plus rien à offrir à notre époque ? Sûrement pas. Hernani fait partie des chefs d’œuvre de la littérature française qui conservent un rayonnement éternel, il suffit de lire quelques vers pour replonger dans ce passé glorieux.
Les acteurs, il faut bien le reconnaitre, peinent à se hisser au niveau d’un texte qui les écrase un peu. Hormis Jérôme Pouly qui signe ici une véritable performance, le reste de la troupe se contente de réciter et non d’incarner cette tragédie humaine. La mise en scène, au lieu de nous permettre de nous envoler avec légèreté, nous rappelle lourdement les codes du théâtre via une voix off qui énumère les didascalies. Les décors ne rattrapent pas ce que les acteurs manquent. Mais la magie du texte suffit au succès et c’est déjà beaucoup.

 

Visuel : © Cosimo Mirco Magliocca, coll. Comédie-Française

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