Théâtre
Georges Dandin, reprise. Que Molière protège le Nord-Ouest

Georges Dandin, reprise. Que Molière protège le Nord-Ouest

09 October 2015 | PAR David Rofé-Sarfati

Le Nord-Ouest fut un lieu important dans le circuit et dans l’histoire des salles parisiennes privées. Mais il a perdu quelques vertus ; il n’est plus ce qu’il a été, accueillant et chrétien. À une faillite économique, l’enseigne extérieure reste éteinte laissant croire qu’il est déjà disparu, s’est conjuguée une faillite morale, la pièce de Robert Brasillach est mise au répertoire et les caciques du FN se déplacent pour l’applaudir. Il n’empêche.

 

 

 

 

 

On y joue Georges Dandin. Cette pièce de Molière n’est pas la plus connue, cependant qu’elle reste cruellement contemporaine. George Dandin est un riche paysan qui a fait un beau mariage, mais son aristocratique épouse, Angélique, ne cesse de lui rappeler ses origines et de se jouer de lui. Le mari cocu finira par s’en repentir. La pièce reprend les thèmes chers à Molière : le mariage, ceux qu’ont dit arrangés et la condition des femmes. Elle parle aussi des roturiers qui aspirent à l’anoblissement, thème repris dans le Bourgeois Gentilhomme. Mais là où Monsieur Jourdain nous est sympathique, Georges Dandin est pathétique. La pièce, sans précédent chez Molière, se termine mal.

À la création en 1668, c’est Molière lui-même qui tenait le rôle-titre. Louis Jouvet expliquait qu’un grand acteur se reconnait à ceci que le spectateur repère immédiatement dès son entrée sur scène le rôle qu’il va interpréter. Bernard Sender, admirable acteur, tient toute la pièce; il nous est Georges Dandin avant de clamait son premier monologue. Et la langue de Molière jaillit de sa bouche : Ah ! Qu’une femme Demoiselle est une étrange affaire, et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition, et s’allier comme j’ai fait à la maison d’un gentilhomme 

Nous sommes saisis pour une heure dix. Le décor est épuré. Le jeu est tempéré, juste, dans le ton. Chaque rôle est incarné, chaque promesse est tenue. On regrettera seulement le sur jeu de Thomas Bousquet qui joue l’amant, un Clitandre trop impétueux, et cette scène caricaturale où il renverse passionnément Angélique. Sinon, Édith Garraud fine et cocasse belle mère, Marie Hasse pétillante servante, Philippe Hazza bouillonnant valet, rendent hommage au texte, sans parodie, sans fatuité,  avec le rythme et l’élan indispensable. Coralie Salonne est une parfaite Angélique entre force et fragilité et puis il y a l’élégant Yves Jouffroy.

On joue plein feu. Seul subsiste le spectateur confronté dans un lien direct à la langue de Molière. Un authentique bonheur de théâtre. Un régal qui existe aussi car hébergé par ce lieu lourd d’histoire. Il faut donc retourner au Nord-Ouest. Et si, comme Dandin  j’enrage de bon cœur d’avoir tort, lorsque j’ai raison, plût au Ciel que Molière fusse capable de sauver de ses effondrements cette salle qui pour nous fut mythique autrement.

GEORGE DANDIN, mes Elise Vega Beron, au Nord-Ouest, 13 rue du Faubourg Montmartre, jusqu’au 11 décembre 2015.

David Rofé-Sarfati

Antoine Defoort, le droit d’auteur c’est simple comme un Pépito
Chroniques de la création de « Richard III, Loyaulté me lie » : aujourd’hui, mélancolie
David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration