Théâtre
“George Dandin-La Jalousie du Barbouillé” de Molière, mise en scène Hervé Pierre

“George Dandin-La Jalousie du Barbouillé” de Molière, mise en scène Hervé Pierre

20 May 2016 | PAR David Rofé-Sarfati

George Dandin ou le Mari confondu cache « derrière le rire qu’un ordre social est en train de s’effriter et qu’un monde nouveau est en mouvement », précise le metteur en scène Hervé Pierre. Notre bonheur est aussi dans notre empathie pour cette humanité si vivante restituée par Hervé Pierre. Et par le rire.

George Dandin vieux paysan rustre mais fortuné a épousé la belle et jeune Angélique de Sotenville, fille d’un gentilhomme ruiné. Par ce mariage il a obtenu le titre loufoque de Monsieur de la Dandinière. Très vite il comprend que son mariage n’est qu’un marché de dupes et  que son contrat de mariage n’est qu’un peu convaincu contrat d’affaires. Très vite aussi il comprend qu’il est cocu. Drôle et inédit, le cocu de Molière sait tout. Habituellement le ressort comique tient à ce que le mari ne comprend pas sa situation,  que l’amant est caché dans un placard. George Dandin sait tout et cela ne l’empêche pas d’être roulé dans la farine. A chaque fois qu’il vient se plaindre ou tente de se défendre il est ridiculisé.

Molière avait écrit à 25 ans “La Jalousie du Barbouillé” une farce en un acte où déjà un cocu averti ne parvient à confondre sa femme. Il écrit Georges Dandin à 45 ans. C’est pour nous aujourd’hui une pièce contemporaine, un conte réaliste en cela que les femmes sont décrites égales des hommes et surtout parce que modernes et libérées elles connaissant et assument les voies de leurs désirs; en cela aussi que Georges Dandin ne demande pas à être aimé par Angélique mais respecté, sa femme n’étant qu’un dispositif domestique pris dans un contrat de mariage bourgeois.

Hervé-Pierre a su lire la pièce de Molière et son George Dandin est enfin plausible, très réaliste. La belle performance de Jérôme Pouly garantit ce biais naturaliste tandis le génial Simon Eine pose le décalage nécessaire à la fiction. Nous sommes transportés dans une lointaine province française où la rudesse des rapports sociaux n’empêche pas les petites industries narcissiques.

Le décor sur deux niveaux figure les strates sociales et assure une scénographie dynamique. Les intermèdes musicaux écrits par Molière sont respectés. On danse et Dandin traverse les danseurs, égaré car lui ne sait pas aimer tandis que Monsieur et Madame de Sotenville, Clitandre et Angélique, Lubin et Claudine ont la libido joyeuse, la fantaisie amoureuse dansante. Le cabotinage des personnages finit de poser la farce populaire, créations réussies de Pierre Hancisse (Clitandre, l’amant) de Alain Lenglet (pittoresque Monsieur de Sotenville) de Catherine Sauval (impayable Madame de Sotenveille) et de Noam Morgensztern (Lubin)

– lorsque comme moi on a épousé une méchante femme le meilleur parti que l’on puisse prendre est de se jeter dans l’eau la tête la première!

Le Dantin d’Hervé Pierre évidemment ne se suicide pas car à la fin à la Molière, tout se finit bien; la menace du suicide suffit.

Hervé Pierre (actuellement dans deux rôles capitaux, Hatch dans La Mer de Françon, Burrhus dans Britannicus de Braunschweig) aime le théâtre et sait lire Molière. Il a réussi avec ses acteurs à nous faire redécouvrir cette comédie populaire tout public. Le pari était risqué car le texte n’est pas d’une grande qualité littéraire, et que ce qui est populaire est menacé de n’être que commun.

Hervé Pierre aura réussi cela et plus. Il fait suivre “Georges Dandin” par une représentation de la farce princeps “La Jalousie du Barbouillé”. Les mêmes acteurs, sur un texte très voisin déploient un jeu plus loufoque et c’est un feu d’artifice de théâtre. Entre improvisation et théâtre forain, on rit, on applaudit comme au guignol. C’est un moment rare, unique. La Comédie Française de Eric Ruf est définitivement découvreuse autant qu’authentique. L’emblématique Simon Eine est le magnifique maître de cette cérémonie d’hommage à tout ce que le théâtre français doit à Molière. Noam Morgenstern est épatant dans cette farce, il rejoint la petite liste des bouffons talentueux, les Nicolas Lormeau ou Christian Hecq et on attend son médecin sur Youtube, à coté du Bousin de Hecq.

Il ne faut pas louper une telle soirée de théâtre et y emmener ses enfants pour les instruire définitivement.

Crédit Photos ©Comédie Française

Distribution
Simon Eine : Colin / Chef de troupe
Alain Lenglet : Monsieur de Sotenville / Gorgibus
Jérôme Pouly : George Dandin / La Barbouillé
Pierre Hancisse : Clitandre / Valère
Noam Morgensztern : Lubin / Le Docteur
Claire de La Rüe du Can : Angélique / Angélique
Rebecca Marder : Claudine / Cathau
Et :

Madame de Sotenville / Villebrequin : Catherine Sauval

Équipe artistique :
Mise en scène : Hervé Pierre
Scénographie et costumes : Éric Ruf
Lumières : Christian Dubet
Musique originale : Vincent Leterme
Travail chorégraphique : Cécile Bon
Collaboration artistique : Laurence Kélépikis
Assistante à la scénographie : Dominique Schmitt
Assistante aux costumes : Siegrid Petit-Imbert

Infos pratiques

Ville de Valence
Le Bellovidère
Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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