Théâtre
[FMTM IN] “KAR”, le cabaret marionnettique déjanté à la musique détonnante

[FMTM IN] “KAR”, le cabaret marionnettique déjanté à la musique détonnante

27 September 2019 | PAR Mathieu Dochtermann

Dans le IN de la 20e édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, Fekete Seretlek, dirigé par le très excellent et très surpenant Matjia Solce, présentait un cabaret très musical et un peu marionnettique intitulé Kar. Un spectacle assez déroutant de prime abord, mais porté par un partie musicale ensorcellante, et parsemé de moments de poésie toute marionnettique. Original et vraiment plaisant: une réussite!

Lost in Anna Karenine

C’est un banquet de funérailles qui attend le public qui assiste à une représentation de Kar. Dès l’entrée en salle, on lui tend d’avoir une petite bougie allumée, qu’il pourra venir déposer avec recueillement au pied de la table de manipulation à l’avant-scène scène où le corps d’un homme repose, son accordéon sur le ventre.

Quand les lumières s’éteignent, une musique funèbre est entonnée par les musiciens en scène. Mais, finalement, on se rend compte que le mort n’est peut-être pas si mort: il proteste, annonce “Je m’en vais”, finalement ne s’en va pas. Il mourra peut-être “demain”, ou encore un autre jour, après tout. Mais pas aujourd’hui.

C’est ainsi que, insensiblement, on glisse vers une réalité différente, entre divagation surréaliste et fidélité à quelques motifs du matériau textuel d’inspiration. Des épisodes de la vie de la personne trépassée (ou pas) reviennent affleurer, et se réincarnent sur scène par la grâce de la musique, du théâtre d’objets et de l’imagination des spectateurs.

Du très bon théâtre musical, en format cabaret

Il s’agit de faire voir et entendre une relecture très libre d’Anna Karenine. En fait, on doit avouer qu’entre la proposition qui décompose et recompose le récit, le fait que trois langues se mélangent avec des accents pas toujours évidents à comprendre, que l’accoustique de la salle est exécrable, tous les spectateurs interrogés ont été d’accord pour confier qu’ils n’avaient rien compris à l’histoire, si histoire il y avait.

Mais cela importe peu, car c’est finalement un spectacle qui s’apparente plutôt à un cabaret « à la russe », où le chant et l’accordéon sont à l’honneur, voire à du théâtre musical, si tant est qu’il y ait une différence. Et, de ce point de vue, les cinq interprètes sont tous d’excellents musiciens, et le versant musical de la proposition à lui seul suffit à charmer le public pendant une heure.

La musique est omniprésente, entraînante, variée, et elle insuffle une énergie certaine à ce spectacle par ailleurs parfois déconcertant.

Un recours à la marionnette sobre mais évocateur

Au-delà de la musique, la mise en scène de Matija Solce, à la tête du groupe tchèque Fekete Seretlek, fait également appel à la magie évocatrice des objets pour faire naître des scènes entières de petits riens.

Les scènes de manipulation ne sont pas nombreuses, mais elles sont toujours saisissantes de précision: avec un montage de quelques objets – par exemple, une bouteille d’alcool pour le corps et deux fourchettes pour les bras – le manipulateur arrive à créer des personnages immédiatement dotés de présence, capable d’un fort pouvoir évocateur… alors qu’ils ne sont finalement nés de rien, ou presque.

Le public de Charleville connaissait bien le talent de Matija Solce (Teatro Matita), pour l’avoir vu dans le OFF, notamment au Bateau des Fous lors de la dernière édition, où la foule se pressait pour assister à son solo. Il confirme ici pouvoir également passer l’épreuve du grand format, en conservant son âme et son originalité.

Un traitement inhabituel, surprenant et entraînant, pour revisiter avec humour – et beaucoup de liberté –  un monument de la littérature russe.

Mise en scène : Matija Solce ; Interprétation : Pavol Smolárik, Anna Bubníková, Ji?í N. Jelínek, Ivo Sedlá?ek, Matija Solce, Jan Meduna ; Scénographie : Marianna Stránská ; Photo : V. Brtnicky

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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