Théâtre
Fantasmagoria, le concerto pour fantômes de Philippe Quesne

Fantasmagoria, le concerto pour fantômes de Philippe Quesne

04 November 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Au Festival d’Automne, le nouveau directeur de la Ménagerie de verre installe son bal des fantômes. À la question qu’il pose : “Esprit es-tu là ?”,  le metteur en scène s’éclate, dans cette pièce aussi drôle que triste, à répondre : “OUI !”

Vous vous souvenez de Microcosm, cette œuvre avec laquelle Philippe Quesne avait remporté, pour le pavillon français, le prix du meilleur pavillon “Pays et régions” à la Quadriennale de Prague ? Nous n’en sommes pas loin. Fantasmagoria est, comme Microcosm, une leçon non pas de théâtre-objet mais bien de danse-objet. Car dans cette œuvre, on y danse, et même tous en rond !

Alors qui sont-ils, ces “tous”?  Ils sont d’abord des miettes de lumière, de la poussière blanche. Puis ils font le chemin inverse du “Tu es poussière et tu redeviendras poussière”, ils redeviennent des corps en mouvement, des squelettes qui avancent et qui en même temps ont une voix, une seule, pour eux tous.

Mais combien sont-ils ? Dans Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon écrit : “Il n’y aura jamais assez de vivants pour répondre aux morts”. C’est abyssal et incompréhensible , et c’est l’ordre des choses.

Quesne nous met face à nous-même et à nos grandes questions personnelles et eschatologiques. Est-ce qu’un corps organique sans conscience est déjà un esprit ? 

L’installation est d’une beauté inouïe. Imaginez une dizaine de pianos, tous récupérés ici et là dans des spectacles, qui vont être le réceptacle de ces esprits, jusqu’à s’enflammer. La symbolique des instruments de musique qui brûlent et parlent nous ramène à la Shoah évidemment, à ces morts injustement morts. À ces maisons vidées de leurs habitants et dont les pianos restaient veufs pour l’éternité.

La danse macabre de Philippe Quesne n’est pas morbide, étonnamment. Elle produit l’effet des vraies danses macabres médiévales qui rappelaient, aux vivants du moment, sur les murs des églises comme dans les illustrations profanes, qu’au bout du compte, tous les humains survivent sous la même forme misérable. 

Fantasmagoria est comme une grande séance de spiritisme au XIXe siècle qui nous entraîne dans des imaginaires fournis. Nous avançons, consentants, avec ces fantômes jusqu’à des forêts profondes. 

L’idée que dans un cimetière de pianos, des âmes vivent pour toujours, cela est une bien belle fantasmagorie.

Cette petite merveille est à voir jusqu’au 6 novembre au Centre Pompidou, dans le cadre du Festival d’Automne. Le spectacle est soutenu par New Settings, le programme de la Fondation d’Entreprise Hermès.

Visuel : © Martin Argyroglo

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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