Marionnette
“Dimanche”, brillant sur la forme, léger sur le fond

“Dimanche”, brillant sur la forme, léger sur le fond

22 March 2022 | PAR Mathieu Dochtermann

Ces 20 et 21 mars, le festival MARTO programmait Dimanche par les compagnies Focus et Chaliwaté. Un spectacle de théâtre utilisant largement la marionnette, pour donner un avant-goût de la fin du monde, sur fond d’humour grinçant.


Si on ne prend pas mille détours, on peut le résumer ainsi : Dimanche est un spectacle formellement très réussi. Des changements de décor et de costumes impressionnants d’ampleur et de rapidité. Des marionnettes réalistes, extrêmement bien réalisées par Joachim Jannin et Jean-Raymond Brassinne, tout-à-fait bien manipulées – gestes précis, fluides, intention nette. Une inclusion de la vidéo intelligente et parcimonieuse, qui permet de faire exister des espaces hors de la scène, supposés pris par l’objectif de la caméra d’une équipe de télévision. Une mise en scène qui déborde d’astuces, avec des tables de manipulation modulaires qui peuvent figurer des paysages en plan large ou tout aussi bien zoomer sur un morceau de banquise. Une utilisation vraiment virtuose des possibilités “d’effets de caméra”, avec des changements d’angle, des valeurs de plan variées, des jeux d’échelle.

En même temps, le traitement du thème – l’effondrement des systèmes écologiques, les catastrophes naturelles, la totale apathie de l’occidental moyen – se fait avec un humour au vitriol. De cocasse, le spectacle glisse vers l’absurde, et finit dans une tonalité mi désabusée, mi surréaliste, en imaginant ce que serait le quotidien des humains recouverts par la montée des océans. Il y a des moments vraiment drôles, par exemple le voyage en van de l’équipe de télévision au début du spectacle, où les trois comédiens arrivent à rendre l’impression d’être dans un habitacle exigu… alors qu’ils sont juste assis sur des chaises au milieu du plateau.

Les interprètes sont pour le moins talentueux. Ils arrivent à faire vivre toute une galerie de personnages, et, sans un mot, réussissent à installer de beaux moments d’humour burlesque. En même temps, ils se révèlent d’habiles manipulateurs, et ils animent les différents animaux qui vont intervenir de façon très naturaliste. De même d’ailleurs d’une marionnette de grand-mère pleine d’énergie qui intervient au début du spectacle. Les marionnettistes construisent de très beaux tableaux, notamment grâce à la technique du théâtre au noir, avec des effets d’étrangeté très séduisants, tel un ballet aquatique à dix mains.

Et pourtant, on reste sur sa faim. On peut d’abord se demander pourquoi la grand-mère est campée en marionnette, le choix semblant relever de l’arbitraire le plus gratuit : un comédien avec un masque aurait aussi bien, sinon mieux, fait l’affaire. Et puis, surtout, il n’y a aucune surprise. Toutes les images, formellement réussies, sont convenues et les scènes peuvent être anticipées parfois de plusieurs minutes, l’histoire n’a jamais un coup d’avance sur nous, spectateurs. Et, quant au fond, le discours est très attendu – la crise climatique est là, elle menace notre survie même, et pendant ce temps la famille occidentale moyenne applique à toute force la politique de l’autruche. C’est un constat très sombre mais que l’immense majorité de la population ne conteste plus, il n’y a là rien de révolutionnaire. Est-ce que la valeur ajoutée se trouverait dans le fait qu’on peut en rire ? D’autres ont déjà tenté le coup, à la manière d’un Don’t look up, et ont déjà parfaitement fait le travail. Alors quoi ? Alors, pas grand-chose… le spectacle est très univoque, et rien ou presque n’est laissé à l’imaginaire, aucune piste d’action ou de réflexion n’est suggérée. C’est drôle, beau et distrayant : c’est déjà quelque chose, mais ça s’arrête là. Dommage !

Les 24 et 25 mars à Ancenis, les 28 et 19 à Pornichet, puis en tournée hors des frontières françaises.

GENERIQUE

Écriture et mise en scène Julie Tenret, Sicaire Durieux, Sandrine Heyraud
Avec Julie Tenret, Sicaire Durieux, Sandrine Heyraud ou Muriel Legrand en alternance avec Julie Dacquin, Thomas Dechaufour, Shantala Pèpe ou Christine Heyraud
Regard extérieur Alana Osbourne
Marionnettes Joachim Jannin (WAW Studio!), Jean-Raymond Brassinne
Scénographie Zoé Tenret
Lumières Guillaume Toussaint Fromentin
Son Brice Cannavo
Collaboration Marionnettes Emmanuel Chessa, Aurélie Deloche, Gaëlle Marras
Construction décor Zoé Tenret, Bruno Mortaignie (LS Diffusion), Sébastien Boucherit, Sébastien Munck
Réalisation vidéo et direction photographique Tristan Galand
1er assistant camera Alexandre Cabanne
Chef machiniste Hatuey Suarez
Prise de vue sous-marine Alexandra Brixy
Prise de vue vidéo JT Tom Gineyts
Post-production vidéos Paul Jadoul
Sons vidéos Jeff Levillain (Studio Chocolat-noisette) et Roland Voglaire (Boxon Studio)
Aide costumes Fanny Boizard
Régisseur général Léonard Clarys
Régisseurs Léonard Clarys avec Isabelle Derr ou Hugues Girard ou Nicolas Ghion ou David Alonso ou Baptiste Wattier ou Baptiste Leclerc.
Photos Virginie Meigne
Diffusion DdD

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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