Théâtre
Cendrillon revisité par Pommerat au Théâtre du Nord

Cendrillon revisité par Pommerat au Théâtre du Nord

15 January 2013 | PAR Audrey Chaix

Revisiter les contes et légendes de notre enfance, Joël Pommerat connaît : il a déjà relu, au prisme de sa propre vision artistique, Le Petit Chaperon Rouge et Pinocchio. Cette fois-ci, au Théâtre du Nord, c’est Cendrillon qu’il propose au public. Un Cendrillon que l’on reconnaît dans les grandes lignes, mais qui subit une cure de Jouvence salutaire et jouissive.

 

Tout commence, chez Pommerat, par un malentendu : la jeune Sandra, persuadée que sur son lit de mort, sa mère lui a demandé de ne jamais cesser de penser à elle, honore cette promesse avec un zèle qui oscille entre le comique de répétition et une profonde tristesse. Le thème de la maternité est omniprésent dans ce Cendrillon : celle qui avait littéralement disparu du conte de Perrault fait un retour en force chez Pommerat, elle structure toute la trame de cette nouvelle version. Pour la jeune Sandra, que ses méchantes belle-soeurs appellent “Cendrier”, la mère est un fantôme qui hante les moindres instants de vie de la jeune fille, dont la montre sonne régulièrement pour  lui rappeler toujours de penser à la disparue. Pour le prince, la mère est une ombre partie en voyage depuis des années – parce que son père, refusant de lui avouer la mort de sa mère, lui répète depuis tout ce temps que celle-ci est coincée par des grèves.

 

Ce que Pommerat manie avec brio, c’est un subtil jeu de va-et-vient entre gravité et humour, porté avec justesse par les comédiens, et notamment par Deborah Rouach, touchante dans son obsession de toujours penser à sa mère. L’autre grande réussite de cette production, c’est le rôle de la fée, gouailleuse et truculente, qui débarque dans la chambre de Sandra par la penderie, allume clope sur clope et remplace la magie par des tours de carte. Noémie Carcaud, qui interprète également l’une des deux méchantes soeurs, est savoureuse de cynisme autant qu’elle touchante, alors qu’elle essaie de toutes ses forces de redonner joie de vivre à la jeune Sandra.

 

La scénographie de Pommerat donne à la pièce un rythme soutenu : de courtes scènes, séparées les unes des autres par des noirs intenses, se succèdent rapidement pour construire cette histoire de perte et de quête de soi. Un langage sobre, moderne, souligne l’esthétique de Pommerat, qui extrait du conte l’essentiel de ce qu’il donne pour mieux en exposer les rouages les plus profonds. Une voix off accompagne l’intrigue, créant ainsi un lien précieux entre la scène et la salle tout comme elle recrée la dynamique du conte que l’on raconte aux enfants. A des enfants qui auraient un peu grandi, à qui l’on n’aurait pas peur d’insister sur ce qui blesse, la mort de la mère. Et si Cendrillon et le Prince ne se marient pas et n’ont pas beaucoup d’enfants, ils célèbrent leur libération du souvenir de leurs mères par une danse folle et cathartique sur des rythmes électros.

 

Le Théâtre du Nord commence donc en beauté cette année 2013 avec cette production de Pommerat, qui donne envie de passer l’année au théâtre !

 

Lire l’avis d’Amélie.

 

 

 

Photos : Cissi Olsson

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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