Théâtre
Bergman face au doute et à l’ennui

Bergman face au doute et à l’ennui

22 January 2019 | PAR Christophe Candoni

Au Théâtre de l’Atelier, Emmanuelle Bercot est la tête d’affiche d’une adaptation malhabile du film Face à Face de Bergman. Mis en scène par Léonard Matton, le spectacle est interminable et sans justesse.

Auréolée d’un Prix d’interprétation féminine au festival de Cannes pour son rôle dans Mon Roi, nommée cinq fois aux Césars, Emmanuelle Bercot est une actrice, mais aussi une scénariste et une réalisatrice absolument accomplie au cinéma. Devant ou derrière la caméra, elle s’est souvent montrée bouleversante et criante de vérité. On l’attendait impatiemment sur les planches de théâtre, et notamment dans un rôle Bergmanien, autrefois campée à l’écran par Liv Ullmann. Il semblait presque impossible que la rencontre n’opère pas. Et pourtant, en dépit d’un personnage complexe, saisissant de force et de vulnérabilité, l’interprète n’est pas à la hauteur. Au centre du propos, la glissade dans la dépression de la psychiatre Jenny, apparemment inébranlable, sa plongée angoissante dans des visions oppressantes et sa douloureuse propension à l’autodestruction avait de quoi passionner. Mais l’actrice livre un jeu mollasson, une diction approximative et une projection insuffisante qui font qu’on n’entend ni ne comprend la moitié des mots qu’elle prononce. Aussi imprévisible que cela puisse être, sa composition scénique manque d’engagement, d’audace, d’intensité.

Que penser de la mise en scène et de la distribution qui l’entourent et ne l’aident pas ? Tout confine à la paresse et la laideur dans cette proposition scénique. Les scènes longuettes et statiques se suivent parfois entrecoupées de noirs. Le sujet est très sombre et l’obscurité ténue dans laquelle baigne le plateau s’apparente à celle d’un gros cauchemar. L’anxiété et la violence du propos sont surlignées par des effets sonores et visuels envahissants. La représentation pâtit d’un gros manque de rythme. Elle souffre aussi d’un manque d’harmonie. Une poignée de comédiens assure inégalement tous les rôles de la pièce. L’exercice n’est pas aisé et les personnages manquent de consistance. Tantôt, les comédiens usent d’un naturalisme plat, tantôt, ils affirment au contraire une théâtralité presque boulevardière. Le jeu oscille beaucoup mais est rarement convaincant. Alors, on pénètre difficilement dans les méandres de l’esprit tourmenté et abandonné de l’héroïne bergmanienne. 

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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