Danse
Avignon OFF : no MAN’s land ou danser les masculinités

Avignon OFF : no MAN’s land ou danser les masculinités

25 July 2021 | PAR Thomas Cepitelli

Milène Dihameau pense ce qu’est un geste masculin, les rencontres et interroge notre regard de spectateur. Déroutant et sensible. 

La chorégraphe Milène Dihameau conçoit, le plus souvent, ses projets pour des plateaux, mais aussi pour des espaces non dédiés et des lieux publics. C’est dans ce cadre qu’elle donne no MAN’s land au château de Saint-Charmand dans l’exigeante programmation de la Manufacture. Dans un jardin public, un tapis de danse blanc est posé au sol. Aux quatre coins, des chaises de bois et la chorégraphe à la régie son. Son regard suit, avec bienveillance la performance de ses trois danseurs. Ce tapis blanc sera tout à la fois un espace de combats, de mesure de la virilité puis de rencontres, d’amitié et de partage. 

La danse interroge deux points essentiels : la construction de la masculinité et le fait de se rencontrer. Pour ce faire, elle puise dans les danses urbaines autant que dans le vocabulaire propre à une danse contemporaine plus académique. La danse se fait de plus en plus ample, rapide, presque violente par moment. Les regards des danseurs sont sombres, les visages fermés, les gestes brusques presque malhabiles dans une sorte d’image d’Epinal de la virilité, de ce que l’on attend d’elle.

Puis au fur et à mesure des différents temps de la chorégraphie, sur l’excellente musique de Romain Serre, tout s’illumine. Quel plaisir on a à voir les trois interprètes Ayoub Kerkal, Marino Vanna et Romain Veysseyre sourire, amplifier leurs mouvements, s’ouvrir les uns aux autres. Ces moments de joie célébrant la liberté retrouvée sont contagieux, libératoires. Le fait de choisir cet espace public est en soi une gageure bien sûr pour les danseurs. C’est un geste d’une générosité rare. En effet, chacun peut décider de s’arrêter, au loin ou plus proche, pour les regarder, les interpeler. Mais en tant que spectateur cela nous pousse aussi à interroger notre regard. Par quoi mon regard est-il attiré : ce pourquoi je suis venu, le spectacle ? Ou bien ce qu’il se passe autour ? Ce vieux monsieur qui peine à se lever du banc ou le danseur qui exécute un mouvement ? Au fond, Milène Dihameau ne nous demande pas de choisir mais d’embrasser le tout. 

A la toute fin du spectacle, les danseurs quittent le plateau pour s’approcher de nous et nous tendre la main. Rarement on aura autant été saisi par le fait de serrer la main à un danseur. Il n’est pas question ici de COVID, bien que l’on puisse difficilement y faire abstraction. Il s’agit plutôt d’abolir les frontières entre la scène et la salle, les danseurs et le public. Et de créer, momentanément, une communauté partagée. 

Crédit photo © Fanny Reuillard

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