[Avignon Off] « L’Enfant de demain » : témoignage théâtral subtilement chorégraphié
Sur la scène, Serge Amisi, ancien enfant soldat libéré de son destin par l’Unicef et par l’art. Il va nous raconter son histoire. En dialoguant, par les mots et le corps, avec le comédien Mathieu Genet. Dans une pièce parfaitement dirigée par Arnaud Churin, qui sait exprimer quelque chose de l’enfance, abîmé par des idées violentes.
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Au récit, Mathieu Genet. Souple, alerte et habité, il retrouve la part d’enfance nécessaire pour incarner Serge, gamin de République du Congo enrôlé de force par « les rwandais » du révolutionnaire Kabila pour devenir enfant soldat. Il va tenter de « prendre Kinshasa », au sein d’un bataillon de jeunes, être contraint de tuer son oncle, venu le chercher, puis être recueilli par une femme qu’il devra quitter pour qu’elle reste en vie, passer dans d’autres sections, voir des hommes se faire réduire en nourriture, et finir seul dans la forêt. Le vrai Serge, à qui toute cette histoire est arrivée, se trouve également sur scène. Tantôt il rejoue les figures auxquelles son parcours l’a confronté, un chef rigolard notamment, qui marque beaucoup ; tantôt il se place face à Mathieu Genet, comme une incarnation de ses doutes et peurs. Et parfois, il prend la parole en son nom propre, tout simplement.
Le spectacle mis en scène par Arnaud Churin, dont les seuls effets spéciaux restent les lumières, savamment réglées, fait ainsi danser ensemble ces deux interprètes. Leurs mouvements font penser à des jeux d’enfants. Le contraste avec la dureté des faits décrits est garanti. D’une part, le récit se fait sans aucune complaisance ni insistance : le premier fait raconté est le meurtre de l’oncle, pourtant, juste après, le récit peut revenir à la prime enfance, à l’innocence. D’autre part, on voit s’établir un émouvant dialogue, qui atteint à l’humain, à la vérité.
Le rythme du récit aurait pu voir s’insérer deux ou trois moments au ton plus dur, plus sombre, afin que le contraste fonctionne parfaitement. Sinon, des pauses quasiment comiques s’intercalent. La prise de commandement par Serge d’une section d’enfants reste un grand moment. Cette simplicité, qui fait confiance à la rencontre entre un comédien et un témoignage vrai, fait que l’on ressort heureux et émus. Normal : on a pu la voir en direct, cette rencontre.
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Visuel : Serge Amisi à douze ans (environ), enfant soldat © S Amisi