Théâtre
[Avignon Off] « L’Enfant de demain » : témoignage théâtral subtilement chorégraphié

[Avignon Off] « L’Enfant de demain » : témoignage théâtral subtilement chorégraphié

15 July 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

Sur la scène, Serge Amisi, ancien enfant soldat libéré de son destin par l’Unicef et par l’art. Il va nous raconter son histoire. En dialoguant, par les mots et le corps, avec le comédien Mathieu Genet. Dans une pièce parfaitement dirigée par Arnaud Churin, qui sait exprimer quelque chose de l’enfance, abîmé par des idées violentes.

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L'Enfant de demainAu récit, Mathieu Genet. Souple, alerte et habité, il retrouve la part d’enfance nécessaire pour incarner Serge, gamin de République du Congo enrôlé de force par « les rwandais » du révolutionnaire Kabila pour devenir enfant soldat. Il va tenter de « prendre Kinshasa », au sein d’un bataillon de jeunes, être contraint de tuer son oncle, venu le chercher, puis être recueilli par une femme qu’il devra quitter pour qu’elle reste en vie, passer dans d’autres sections, voir des hommes se faire réduire en nourriture, et finir seul dans la forêt. Le vrai Serge, à qui toute cette histoire est arrivée, se trouve également sur scène. Tantôt il rejoue les figures auxquelles son parcours l’a confronté, un chef rigolard notamment, qui marque beaucoup ; tantôt il se place face à Mathieu Genet, comme une incarnation de ses doutes et peurs. Et parfois, il prend la parole en son nom propre, tout simplement.

Le spectacle mis en scène par Arnaud Churin, dont les seuls effets spéciaux restent les lumières, savamment réglées, fait ainsi danser ensemble ces deux interprètes. Leurs mouvements font penser à des jeux d’enfants. Le contraste avec la dureté des faits décrits est garanti. D’une part, le récit se fait sans aucune complaisance ni insistance : le premier fait raconté est le meurtre de l’oncle, pourtant, juste après, le récit peut revenir à la prime enfance, à l’innocence. D’autre part, on voit s’établir un émouvant dialogue, qui atteint à l’humain, à la vérité.

Le rythme du récit aurait pu voir s’insérer deux ou trois moments au ton plus dur, plus sombre, afin que le contraste fonctionne parfaitement. Sinon, des pauses quasiment comiques s’intercalent. La prise de commandement par Serge d’une section d’enfants reste un grand moment. Cette simplicité, qui fait confiance à la rencontre entre un comédien et un témoignage vrai, fait que l’on ressort heureux et émus. Normal : on a pu la voir en direct, cette rencontre.

Retrouvez le dossier Festival d’Avignon 2014 de la rédaction

Visuel : Serge Amisi à douze ans (environ), enfant soldat © S Amisi

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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