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Avignon OFF : “À la ligne”, récit d’usine

Avignon OFF : “À la ligne”, récit d’usine

17 July 2022 | PAR Lucine Bastard-Rosset

À la ligne nous entraîne sur les maillons des chaînes d’usine, un lieu où l’homme ne doit plus penser, sans quoi il périra. Un récit bouleversant à découvrir à La Manufacture durant le Festival d’Avignon.  

Un récit de vie

Mathieu Létuvé s’est emparé du roman A la ligne – Feuillets d’usine de Joseph Ponthus pour le porter à la scène. Il retransmet avec vitalité les mots d’un homme éperdu de littérature, d’un éducateur spécialisé devenu ouvrier intérimaire afin de gagner sa vie. Missions après missions, il parcourt les usines de sa ville qu’il décrit minutieusement sur un ton tragique mais aussi comique. La légèreté de certains moments permet de tenir bon, elle est une respiration au milieu d’une vie toujours plus éreintante.

Le combat journalier de cet homme est clamé au milieu d’une musique électronique conçue et jouée en live par Olivier Antoncic. Les sonorités emportent les mots, transformant un texte en déclamation poétique, en un slam émouvant et puissant.

“La lumière comme espace de jeu” 

La lumière construit l’espace, le modèle, le transforme. Elle est blanche, uniforme, artificielle, tout comme celles des usines. Au plafond, un grand écran blanc sert de réflecteur, il accentue la blancheur des néons, rendant la scène éblouissante. L’aveuglement devient total en seconde partie de spectacle, lorsqu’un tapis tout aussi blanc est étendu sur le sol. Le plateau n’est plus qu’un lieu qu’il est difficile de regarder, où l’éclatante blancheur contraste avec ce qui s’y passe. 

Avant, il y avait les usines de crevettes, de poissons panés et de bulots, après, il y a eu l’abattoir, cet endroit lugubre où les bêtes sont entassées, marquées au fer rouge puis tuées, découpées, disséquées, dépouillées. Cet endroit où des centaines d’hommes s’affairent à ces tâches plus ingrates et écœurantes les unes que les autres. En fond sonore, un battement de cœur, celui des animaux qui s’apprête à s’arrêter ? L’abattoir est un champ de bataille rempli de sang, d’os, de membres, d’abats ; des résidus d’une guerre qui ne se terminera pas.

Une réalité qui éclate à la figure

A la ligne met en lumière ce qu’est la servitude volontaire. Il souligne les dures tâches auxquelles doit faire face un ouvrier, des tâches toujours plus répétitives et déshumanisantes. Les sons métalliques qui reviennent en boucle mettent en exergue ces gestes qu’il faut faire, puis faire, puis faire, encore et toujours. 

Ce récit permet de mettre des images sur des mots. Mathieu Létuvé porte avec une telle ardeur cette prose qu’il donne vie à chaque phrase, nous transportant successivement dans divers usines dont la suivante semble toujours plus horrible que la précédente. Nous prenons conscience de ce qu’est le métier d’ouvrier, nous qui n’avons jamais mis les pieds dans une usine, nous qui tous les jours utilisons des objets, mangeons des aliments qui sortent de ces manufactures. Il faut retenir que des hommes s’acharnent tous les jours sur la même et unique tâche pour les fabriquer, qu’ils finissent fatigués, lessivés et parfois même, amputés.

 

Bien qu’une usine ne s’arrête pas, le récit qu’on en fait a une fin et celle-ci sonnera le 26 juillet à Avignon. Alors, ne tardez pas et découvrez à 13h50 à La Manufacture A la ligne !

Visuel :  © Arnaud Bertereau

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Lucine Bastard-Rosset
Après avoir étudié et pratiqué la danse et le théâtre au lycée, Lucine a réalisé une licence de cinéma à la Sorbonne. Elle s'est tournée vers le journalisme culturel en début d'année 2022. Elle écrit à la fois sur le théâtre, la musique, le cinéma, la danse et les expositions. Contact : [email protected] Actuellement, Lucine réalise un service civique auprès de la compagnie de danse KeatBeck à Paris. Son objectif : transmettre l'art à un public large et varié.

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