Théâtre
Avec “Am Königsweg”,  Jelinek et Richter se moquent de nous à l’Odeon

Avec “Am Königsweg”, Jelinek et Richter se moquent de nous à l’Odeon

25 February 2019 | PAR David Rofé-Sarfati

Multi-primée en Allemagne, la pièce d’Elfriede Jelinek, fut écrite immédiatement après l’élection de Donald Trump. Elle se veut une saine colère contre le populisme de Trump mais pas que. 

Le nouveau président américain n’est jamais nommé, car c’est de populisme au sens large qu’il s’agit. Le pamphlet est cruel et transgressif.  Le roi omnipotent revêtu d’un déshabillé rose bonbon est ubuesque, jubilatoire et puéril. Les tableaux s’enchaînent avec un rythme saccadé. Le geste est verbeux et répétitif, car Jelinek, Prix Nobel de littérature est brillante et espiègle. Elle grossit le trait à outrance pour nous dire autre chose. Elle intrique -elle a lu certainement les textes de Avital Ronell sur les losers- le discours du minable dictateur de pacotille américain aux mantras de ses opposants les plus haineux. Dans un même manifeste, elle condamne le populisme de Trump et celui des Insoumis ou des Gilets Jaunes.

Le texte dense avec sa lame aiguisée dénonce la fainéantise des discours de notre époque sur des sujets graves : les atteintes à la démocratie, la cruauté des politiciens, l’avidité des princes, le libéralisme décomplexé, le scandale des réfugiés ou la crise des subprimes. Parallèlement la pièce cartographie l’effrayant credo des bien pensants prêts à  propager la peur et la haine au sein de  nos sociétés qu’ils jugent et rêvent en péril. Le talent de Jelinek est dans ce faux semblant, une mauvaise foi dissimulée dans un discours répétitif égrainant des poncifs de militants fascinés par l’insurrection.  Elle se moque de nous en extrémisant les bons sentiments de la bien pensance bobo,  -le racisme serait une invention de Kant lui-même et le petit homme blanc est culturellement un dégénéré- une manière singulière et  intelligente  de dénoncer les deux populismes en regard.

Falk Richter a choisi une mise en scène délirante foutraque et agressive.  La troupe de Shauspielbaus de Hambourg soutient la dramaturgie puissante et facétieuse. Ce manifeste anti Trump et anti bien pensante est un vertueux discours philosophique à l’époque des slogans faciles et des indignations raccourcies. Encore faut-il au spectateur supporter près de trois heures de vociférations en allemand sous-titré, émaillés de quelques jolis et drolatiques moments de théâtre.

 

Am Königsveg d’Elfriede Jelinek
Odéon – Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon
75006 Paris
Jusqu’au 24 février 2019
Tous les soirs à 19H30
Durée 3h30 avec entracte

Mise en scène de Falk Richter
Avec Idil Baydar, Benny Claessens, Matti Krause, Anne Müller, Ilse Ritter, Tilman Strauß, Julia Wieninger, et Frank Willens
décor de Katrin Hoffmann
costumes d’Andy Besuch
lumière de Carsten Sander
vidéo design de Michel Auder & Meika Dresenkamp
vidéo d’Antje Haubenreisser & Alexander Grasseck
composition et musique de Matthias Grübel
dramaturgie de Rita Thiele
son d’André Bouchekir, Hans-Peter Gerriets & Lukas Koopmann

Crédit Photos © Arno Declair

 

 

Infos pratiques

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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