Théâtre
Alain Françon offre un Solness effroyablement excitant !

Alain Françon offre un Solness effroyablement excitant !

07 March 2013 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Alain Françon offrait hier soir la première de sa nouvelle création “Solness le constructeur”, à la Comédie de Reims. C’est donc chez Ludovic Lagarde qu’un public conquis a pu se délecter du jeu flamboyant des comédiens. Grandiose !

Une maison bourgeoise, un décor bourgeois. Jacques Gabel a mis le paquet en matière de portes et de velours. Ici, c’est encaissé, ça sent le passé qui est devenu présent, ça sent la fin de tout. Lui, Solness (Wladimir Yordanoff)  est architecte, pardon, constructeur. Il ne souhaite pas passer la main à la jeunesse, en l’occurrence à Ragnar (Adrien Gamba-Gontard), fort talentueux et fils du mourant Knut (Michel Robin). Pour garder le jeune homme, il feint une amourette avec sa secrétaire, également sa fiancée, Kaja (Agathe L’huillier). On croit d’abord à une comédie dramatique. Mais c’est avant de voir surgir la sombre Aline (Dominique Valladié), et c’est avant que la tornade Hilde (Adeline d’Hermy) descende de sa montagne en jupe jaune moutarde, muleta de torero, les regards sont sur elle. Elle est un cyclone tourbillonnant, amenant dans son oeil et dans sa voix de titi parisienne, la fin de l’espoir. Finie la comédie dramatique, place au thriller psychologique, glaçant.

Vont alors se dérouler trois actes, sans changement de décor à vue, dans des codes faussement à l’ancienne. Alain Françon nous mène par le bout du nez. Ici,  alors que tout semble figuratif, nous ne comprendrons que très tard ce qui se passe. Nous penserons voir, nous allons deviner, imaginer. Alors on apprend, n’en disons pas trop, qu’il y a eu un drame, un incendie qui a eu des conséquences graves, qui fait que depuis, Aline ne parle que de devoir et plus jamais de désir. Dans la maison rigide bientôt on entrera dans la sombre véranda pourtant pour finir dans un troisième acte fulgurant de perfection à l’extérieur de la maison.

Sortir, aller vers l’extérieur, aller vers la jeunesse de Hilde qui tourbillonne dans le jeu sans faute de Adeline d’Hermy. Elle est un oiseau virevoltant,  elle passe partout sous les tables et sur les fauteuils, espiègle ingénue, femme enfant devenant au fils des actes totalement fatale. Elle va demander l’impossible à Solness, mais “l’impossible nous attire et nous appelle” dit-il à la jeune femme.

La pièce d’Ibsen, écrite en 1882 raisonne directement avec l’histoire personnelle de l’auteur qui à ce moment, rentre en Norvège après 20 ans d’exil en étant très critiqué par les auteurs contemporains. Il joue la carte de l’introspection avec Solness qui est un drame psychologique venant mêler plusieurs sentiments. Le plus fort est ici la culpabilité. Entre Solness et Aline, c’est la fuite sans jalousie. L’ignorance est cordiale, la dépression est totale, même si le médecin (Gerard Chaillou) joue les hommes de compagnie. On est ici pris dans le filet des conventions, Solness est un dieu vivant qui a osé défier le ciel en construisant des tours plus hautes que de raison sur lesquelles il s’amuse à déposer une couronne. Cela ne peut pas être. Cela ne se fait pas. Il doit y avoir une punition.

A vouloir construire des châteaux dans les cieux, on risque gros. A passer à côté de sa vie on risque gros. A fuir la jeunesse on risque gros. Dans la bourgade sublimée par les lumières de Joël Hourbeigt on est happés, suspendus au ballet des comédiens et des décors. Ils se déplacent sans crier gare, amenant les mouvements dans un sac et un ressac de sensations humaines.

Au contact de la belle, Solness réalise qu’il s’est trahi lui-même. Wladimir Yordanoff parfaitement dirigé nous fait entrer dans son âme et l’on y scrute une question tragique : Si le cœur se remet à battre, que se passe-t-il après ?  Le drame approche…

Visuel : (c) Elisabeth Carecchio

Zaz dévoile le teaser de son nouveau single “On ira” accompagné du visuel de la pochette
[Live Report] Man With a Mission quand le J-Rock fait hurler de plaisir la capitale
Avatar photo
Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration