Théâtre
Ahmed Madani enfourche le tigre

Ahmed Madani enfourche le tigre

14 February 2021 | PAR David Rofé-Sarfati

En mai 2020 Emmanuel Macron incitait le secteur culturel à enfourcher le tigre, innover sous la contrainte sanitaire. Ahmed Madani rebondit et présente sa dernière création sur le radicalisme musulman au public naturellement dédié de son spectacle .

 

Face à la propagande des islamistes Ahmed Madani a écrit une pièce à destination de la jeunesse. À la propagande de Daech manipulatrice lyrique sachant utiliser le romanesque, l’épique, le grandiose et le spectaculaire, Ahmed Madani pousse sa propre propagande en un texte jamais distant, sans métaphore ni lettrisme. Il ne veut pas être accusé de manipulation. Il refuse et s’interdit d’aborder les causes. Seuls les effets l’intéressent. Par une théâtralité volontairement scolaire, par un texte simple et accessible, par enfin un jeu d’acteurs contributif, il prodigue une vertueuse leçon. Mounira Barbouch et Louise Legendre défendent leur personnage dans un naturalisme édifiant tandis que  Valentin Madani -épatant- confirme son talent dans une proposition où à l’édifice il ajoute merveilleusement le rire. La pièce vertueuse est à voir et à faire voir. Sauf que la crise sanitaire est venu annuler la tournée. 

 

Toute la culture : A quel moment avez vous décidé d’enfourcher le tigre ?

Ahmed Madani : Une importante tournée de J’ai rencontré Dieu sur Facebook devait  avoir lieu de janvier à mai 2021. Plutôt que d’accepter d’éventuels dédommagements pour les représentations annulées sans vraie contrepartie de notre part, nous avons proposé aux théâtres qui nous accueillaient d’organiser avec eux des mises en espace au sein des établissements scolaires afin de préserver une activité artistique auprès de la jeunesse. Ces manifestations sont réalisées dans le plus strict respect des règles sanitaires. 

Pourquoi était ce important?

La crise sanitaire nous amène à réinterroger les formes du théâtre, les lieux de sa pratique, les manières de rencontrer le public. Bien entendu, cet esprit et cette dynamique sont en cohérence avec l’histoire de la compagnie et avec la singularité de notre projet artistique. Il n’en reste pas moins que cette action qui se situe à la croisée du théâtre, de la médiation et de la performance, recèle une portée pédagogique qui interroge le sens même de l’acte théâtral. La possibilité nous est offerte d’inventer une nouvelle version du spectacle dans l’esprit du Carpet theater que Peter brook a exploré en Afrique. 

Systématiquement, les représentations sont suivies de bords plateau avec les élèves et leurs enseignants. Les diverses thématiques traversées par la pièce donnent l’occasion de débattre de la religion, des rapports parents-enfants, mère-fille, de la transmission intergénérationnelle, de la tradition, de la laïcité, de la manipulation sur les réseaux sociaux, de l’embrigadement de jeunes gens dans des mouvances religieuses qui prônent le terrorisme.

Quel choix artistique avec vous pris ?

Dans cette expérimentation, le plus important est de donner aux interprètes la possibilité de déployer leur interprétation au plus près des spectateurs, sans forcer le jeu, en donnant l’illusion que le texte est improvisé. Prendre possession de la scénographie de la classe et organiser leurs déplacements en fonction des objets présents : chaises, tables, murs, tableau, tels sont les axes de la proposition scénique. Évidemment, c’est une sorte de défi que les interprètes se doivent de relever. Une possibilité leur est offerte d’inventer une mise en scène liée à la proximité inédite avec le public, fondée sur l’état émotionnel dans lequel ils sont plongés. La distanciation générée par tous les éléments scéniques ne protège plus les interprètes. L’éventualité d’une interactivité avec les spectateurs peut surgir à tout moment, étant donné que le quatrième mur n’existe plus. Cette situation exceptionnelle met en évidence l’engagement des interprètes et exige de leur part un jeu très performatif.

Hormis le texte qui est écrit et les intentions de jeu qui sont posées, les déplacements et les actions sont à réinventer à chaque fois puisque l’aire de jeu varie de salle en salle. Comment dans ce contexte, le théâtre peut-il naître dans un dépouillement d’effet technique, sans lumière, sans son, sans aucun effet de mise en scène ? Voilà pour notre équipe un enjeu passionnant.  

 

Teaser – J’ai rencontré Dieu sur Facebook – Ahmed Madani from Madani Compagnie on Vimeo.

J’ai rencontré Dieu sur Facebook

Ahmed Madani 

3 mises en espace à Rosny :

  • Jeudi 4 mars à 10h : Collège Langevin-Wallon
  • Jeudi 4 mars à 14h30 : Collège Albert Camus
  • Vendredi 5 mars à 10h : Lycée Jean Moulin

Ensuite, consulter le site de la compagnie.

Crédit Photo François-Louis Athénas

Kheireddine Lardjam enfonce son clou
A gagner : 5 exemplaires du n° 206 – Rentrée d’hiver de la revue PAGE des libraires
David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration