
A la Comédie-Française, Bérénice un peu mieux qu’Andromaque
C’était il y a tout juste un an, Muriel Mayette ouvrait la saison 2010-2011 de la Comédie-Française avec “Andromaque”, un spectacle très contestable et nous en avions rendu compte sévèrement sur ce site (notre critique). Second volet du projet : “Bérénice” qu’elle met en scène dans la continuité. Même décor, convenu et d’un autre âge, même hiératisme froid dans le jeu des acteurs. Ainsi, les deux mises en scène partagent les mêmes défauts ; pourtant – est-ce dû à l’effet de surprise en moins devant ce tableau figé, et à la nouvelle distribution ? – Bérénice passe mieux la rampe.
Autant le mot « décor », auquel on préfère celui de scénographie, n’est souvent plus approprié pour qualifier les espaces scéniques réalisés sur les scènes contemporaines, autant il reprend ici tout son sens quand se lève le rideau sur celui qu’a imaginé Yves Bernard, illustratif et d’un académisme pesant. Sa reconstitution même stylisée de l’architecture antique, géante et vide, et ses hautes colonnes qui écrasent les protagonistes, demeurent vaguement probantes. En revanche, exit les toges beiges et les sandales. Virginie Merlin a conçu des costumes plus atemporels, dans les tons bleu et noir, couleurs sombres de la nuit et du deuil. La mort de Vespasien, antérieure au début de la pièce, est déterminante dans la destinée sentimentale et politique des personnages. Titus devient empereur romain et doit renoncer à Bérénice qu’il aime car elle est née de sang royal.
Encore une fois, les diérèses et liaisons sont fortement appuyées mais les comédiens se montrent moins chichiteux dans l’élocution. Ils se regardent toujours très peu, c’est dommage, mais le jeu est heureusement plus tactile. On n’est assurément pas au summum de la violence des passions contrariées mais ils portent avec justesse et finesse l’élégie sublimement doloriste de Racine.
Martine Chevallier campe une Bérénice d’abord ferme puis vite résignée. Elle fend l’armure petit à petit pour être véritablement déchirante à l’acte IV. Elle est une grande tragédienne qui renonce aux effets grandiloquents pour exprimer la douleur avec exactitude. C’est moins le cas d’Aurélien Recoing en Titus inflexible, proliférant et solennel. Dans Antiochus, Jean-Baptiste Malartre exprime plus justement ses tourments d’amoureux irrésolu. Dans des rôles de second plan, les vétérans Yves Gasc et Simon Eine sont biens et font entendre aussi une fine ironie.
Ce qu’il y a de désolant la-dedans, c’est que l’administratrice Muriel Mayette a souvent œuvré formidablement pour faire vivre le répertoire avec invention et modernité. Hélas, son dyptique racinien ne fera qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui pensent à tort que le Français est une maison poussiéreuse et que les classiques c’est ennuyeux. En cette rentrée, voyez plutôt ce qu’a fait Galin Stoev avec la troupe dans Le Jeu de l’amour et du hasard, le spectacle est repris à Richelieu à partir du 11 octobre 2011.
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One thought on “A la Comédie-Française, Bérénice un peu mieux qu’Andromaque”
Commentaire(s)
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KEFELI Eva
Quel ennui, quelle tristesse de voir le texte de Racine servi par une mise en scène ankylosée, d’un classicisme “tuant” tellement elle est une caricature de ce que les gens en général pensent de la Comédie-Française !
Les passions contrariées de cette pièce ne sont aucunement révélées et oui, si ennuyeuses ici. Et puis, la distribution est ahurissante, Bérénice jouée par une comédienne (dont le talent est par ailleurs indiscutable)de plus de 60 ans, un autre comédien dans le rôle de Paulin jouant avec une oreillette …
Une vraie déception, un ratage complet … malheureusement pour les spectateurs et surtout pour Racine !