“Un eschimese in Amazzonia” : un spectacle touchant sur la transidentité au Théâtre des Abbesses
Ce vendredi 17 mai, dans le cadre de Chantiers d’Europe, le festival 100% création européenne du Théâtre de la Ville, donnait, aux Abbesses, un spectacle réalisé par de jeunes italiens très prometteurs : Un eschimese in Amazzonia (Un esquimau en Amazonie), écrit et mis en scène par Liv Ferracchiati.
Sur fond de rideaux noirs, un acteur à capuche s’avance : c’est un esquimau perdu en Amazonie. Il a trop chaud, transpire beaucoup et se sent mal dans ses vêtements d’esquimau, en plein cœur de l’Amazonie. Autour de lui s’agglutine un chœur de quatre acteurs, qui lui demandent dans une cacophonie étourdissante : « tu es une fille ou un garçon ? tu portes des jupes ou des pantalons ? tu es quoi ? tu es une fille ou un garçon ? ». Car malgré les nombreuses digressions, la pièce tourne autour d’un sujet crucial : celui de la transidentité, mot tabou et seulement confessé par périphrases. Les nombreuses digressions autour de héros de la culture populaire enfantine — Oliv et Tom, champions de foot, Lady Oscar — sont autant de biais pour interroger les stéréotypes de la virilité et les personnages qui s’en écartent de manière ambigüe. Peu à peu, on comprend que l’esquimau en Amazonie est une métaphore pour désigner un homme transsexuel perdu dans la société moderne. A travers une mise en scène qui favorise les épisodes de one man show de Liv Ferracchiati, qui nous fait rire autant qu’il nous déconcerte, c’est à une critique en règle de la société qu’on assiste : les noms de Hilary Clinton, Donald Trump et toute la dynastie des Kim Jong-un sont cent fois déformés et répétés, tandis que la mise en scène se transforme en parodie de la télévision italienne. Le chœur prend tour à tour le rôle de parents inquiets pour l’avenir de leurs enfants, confrontés aux dangers d’une dépravation morale générale, et de présentateurs de télévisions sur le mode de Mariés au premier regard. Une critique âpre des émissions télévisuelles qui encouragent la disquette sentimentale et le voyeurisme de l’intime.
Nous avons apprécié ce spectacle souvent drôle, qui fait réfléchir sur l’identité sexuelle, imprononçable, et les sociétés occidentales. Gros bémol : l’interprète qui traduit en français, phrase par phrase, les propos de l’acteur principal, ce qui rend l’ensemble du spectacle très laborieux. Mais on salue des jeunes comédiens prometteurs !
Le festival Chantiers d’Europe continue jusqu’au 1 er juin.
Visuel : © affiche de la pièce