Histoire d’amour et contraception masculine en clôture du Festival Actoral
Ce samedi 8 octobre marquait l’avant-dernier jour du festival marseillais Actoral, fondé par Hubert Colas il y a 22 ans. De la Friche à Montevideo, nous avons glissé dans l’ère du temps avec Anna Franziska Jäger et Nathan Ooms puis Pau Simon pour deux pièces performatives et chorégraphiques sur les relations aux corps aujourd’hui.
19h30- Ambient Theater Fury
C’est un pas de deux qui roule sur lui-même, qui se niche dans le temps du selfie et du “moi je” plutôt que du “nous”. Ils sont deux mais bon, ils ne font que tenter de combler leur solitude avec celle de l’autre. Anna Franziska Jäger et Nathan Ooms dialoguent presque dans une parodie d’un film de la Nouvelle Vague, elle demande “Est-ce que tu me trouves belle?” sur scène, au-dessus de leurs corps qui roulent inlassablement, il y a deux mobiles à la Calder. L’un est lumineux et ressemble à un smiley qui serait un peu trop défoncé à la Kétamine, l’autre est plutôt un chandelier dont les bougies ont été remplacées par des émoticônes.
Le titre complet du spectacle parle de lui-même : Ambient Theater Fury-The Death of Dialogue and How to Avoid It. Il s’agit d’une histoire d’amour comme toutes les autres: rencontre, drague, vie de couple, incompréhension, éloignement et rupture. Eux deux ont chiné sur internet ces interactions virtuelles.
Ils roulent donc tous les deux, et en même temps ils parlent. Leur corps et leurs mots sont totalement décorrélés. Le dialogue est impossible, la rencontre reste en surface. La bande son est un feu en ASMR, cette technique de relaxation très en vogue sur tik-tok.
La performance bien portée par les deux interprètes nous séduit dans la vraie vie. Au fur et à mesure, le mouvement décale les roulades jusqu’à la verticalité. Il est temps de se lever, de lâcher son téléphone et d’accepter cette sentence : “Je suis prête à grandir”.
Pas le temps de leur dire bravo et de les saluer, il faut sauter dans une voiture (NDLR : Merci aux chauffeurs et chauffeuses improvisé.es d’Actoral qui se reconnaîtront !) en direction de la performance de Pau Simon, La grande remontée.
21h- La grande remontée
Un spectacle sur la contraception masculine, il fallait s’y coller ! Et Pau Simon ne laisse d’autre possibilité de l’écouter.
Iel apparaît en … couilles.
Iel les porte dans un costume à l’inventivité qui laisse bouche bée. Iel est une apparition toute rouge, une tige fine aux doigts laxes dont le reste du corps est chargé par des gros sacs. Le travail sonore nous entraîne dans un bain de liquide amniotique orchestré en direct par l’artiste Èlg.
A la fois pièce de danse, cabaret, cours de fac et performance, La grande remontée raconte comment la contraception masculine, vieille comme le monde, est devenue un impensé dans nos civilisations. Mais cela change. Dans une scène aussi tendre que drôle, Paul Simon nous fait la lecture d’un forum où des garçons s’échangent leurs trucs et astuces pour porter leurs anneaux permettant de remonter leurs bourses dans le bas-ventre.
Le travail superbe de costume, de lumière, de voix et de corps rend le sujet sublime en plus d’être super intéressant. On ne se mouille pas trop en avançant que sûrement, beaucoup, tous genres confondus, ont appris des tonnes de choses sur le sujet. Et quand on lit les effets secondaires de la pilule, on se dit que oui, porter un slip “RCT” ou un “Andro-switch” c’est quand même plus simple !
Paul Simon offre un corps en transformation, fluide et léger qui se pare d’une voix lyrique de toute beauté. Sans dogmatisme, sans jugement, La grande remontée offre une réflexion sur une nouvelle pierre à poser sur l’édifice de l’égalité dans le contrôle de la reproduction.
C’est beau et intelligent.
Visuel : ©Romy Berger