Performance
Go Go Othello, Ntando Cele met le feu au cabaret Vauban dans le cadre du festival Dañsfabrik

Go Go Othello, Ntando Cele met le feu au cabaret Vauban dans le cadre du festival Dañsfabrik

03 March 2023 | PAR Eleonore Carbajo

La performeuse et stand-uppeuse Ntando Cele revient avec un nouveau spectacle affrontant les préjugés racistes sur les femmes noires qui ont marqué l’histoire, dans le cadre du festival Dañsfabrik à Brest, accompagnée de Simon Ho au clavier. Un spectacle coup de poing qui questionne la banalisation et la permanence de ces violences, tout en sarcasme.

Othello ou le Maure de Venise

C’est le point de départ sur lequel s’appuie Ntando Cele pour construire son nouveau spectacle. Cette tragédie shakespearienne dont le personnage titre est noir pose encore de longues controverses dans les représentations qui en sont faites aujourd’hui. L’article « Othello joué par un Blanc : le théâtre français est-il raciste ? » publié le 16 octobre 2015 par Françoise Alexander dans Le Monde, rappelle l’histoire compliquée de l’acceptation de la couleur de peau dans la pièce, longtemps écartée des représentations françaises.

Blackfaces, rôle principal joué par des acteurs blancs, c’est l’angle d’attaque de Ntando Cele dans ce spectacle dont le nom est justement tiré de la tragédie : Go Go Othello, comme une déception de plus face à l’arsenal de clichés et discriminations dont souffrent les artistes noirs, à travers l’histoire et encore aujourd’hui.

Un spectacle aux multiples facettes entre chant, théâtre et stand-up

Dans le Cabaret Vauban, au sous-sol de l’hôtel du même nom, l’ambiance est à la fête avec la musique d’ambiance qui précède la performance, et la boule à facettes qui réveille des spectateurs nichés en petits groupes conviviaux autour d’un verre. Le spectacle est composite, oscillant entre la diffusion par un vidéoprojecteur d’images d’archives d’artistes noirs, d’extraits d’interviews, ou encore des moments purement musicaux où clavier et chant dialoguent, intercalés entre deux performances de stand-up, le micro à la main.

Le spectacle débute par une rétrospective de performances du siècle passées, retransmises sur écran, d’artistes noirs. Nina Simone, Tiffany Haddish, Cardi B, ou encore James Earl Jones dans le rôle d’Othello. Grimée dans la peau de ce dernier, Ntando Cele rentre en scène et scande les répliques culte de la pièce de Shakespeare. Véritable caméléon, la comédienne se faufile derrière un rideau en bordure de scène pour se métamorphoser successivement dans la peau d’une danseuse de cabaret, d’une stripteaseuse, enchaînant les costumes et perruques. Sublimes et dénonciatrices, ses tenues extravagantes sont le reflet d’une triste réalité ; celle de l’exotisme associé aux femmes noires, à l’instar de Joséphine Baker et de son titre « Si J’étais Blanche », qui résonne comme un crève-cœur dans le cabaret.

Redonnant vie à ces figures du passé, Ntando Cele n’oublie par pour autant de parler à ses contemporains et de dénoncer à voix haute le racisme systémique qui régit nos sociétés. Mais cela, elle le fait dans un humour cru et sarcastique, accompagnée par les bruitages sonores de son pianiste. La succession des costumes en met plein la vue, mais n’est rien en comparaison à la réflexion qu’enracine l’artiste dans l’esprit des spectateurs, avec humour et talent. Une ode à la réappropriation par la femme noire de son propre corps, loin de l’exotisation du regard blanc et des préjugés qui subsistent, le tout dans une rétrospective historique, qui ne fait de mal à personne au vu du contexte d’hier et d’aujourd’hui.

Visuel : EC

José James, un caméléon à la voix d’or
Le légendaire Vinii Revlon, invité spécial du festival Dañskabrik pour un atelier voguing
Eleonore Carbajo

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