Performance
“dSimon” : Simon Senn au delà de lui-même au Théâtre de la Bastille

“dSimon” : Simon Senn au delà de lui-même au Théâtre de la Bastille

11 April 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Est-ce que l’intelligence artificielle peut être un double bienveillant ? En démiurge parfois dépassé par son œuvre, l’artiste suisse redonne son dSimon, deux ans après sa création, ce qui en tant technologique équivaut à des années lumière. Alors, en post-pandémie, qu’est devenu son avatar brillant ?

Après Be Arielle F dans laquelle il achetait la réplique 3D du corps d’une étudiante britannique et l’incarnait virtuellement avant de se mettre à la recherche de son modèle réel, l’artiste suisse Simon Senn s’attaquait au thème alors troublant, l’intelligence artificielle. La performance crée à Vidy avait été programmée à Marseille dans le cadre du Festival Actoral.

Nous sommes en 2023 et ChatGPT 4 a explosé, tout autant que MidJourney. Les assistants Google dans les maisons sont légion. Bref, le monde occidental a radicalement changé et fait avec. À la création, l’aspect cobaye de la performance était à la fois terrifiante et fascinante. Aujourd’hui, elle est raisonnée. Il faut faire avec.

Le dispositif est, comme dans Be Arielle F, celui de la conférence performée. Sur scène, il y a quatre ordinateurs, des câbles de partout et deux grands écrans.  L’artiste est accompagné par la chercheuse Tamara Leites qui soi-disant “ne sait pas apprendre un texte”. C’est du théâtre, de la mise en scène. La seule chose qui est aléatoire, comme dans un exercice d’improvisation et ce que dSimon va dire. 

dSimon a comme cerveau tout ce que Simon Senn a écrit depuis quinze ans (emails, réseaux, textes…). La pièce questionne l’identité de ces outils. Simon Senn avoue en être un peu envieux parfois, quand son double répond mieux que lui en interview par mail. Il avoue être choqué quand ce même double révèle le pire de l’humain. Car dSimon en se nourrissant aussi d’internet a avalé un bon nombre de propos racistes et totalitaires. La leçon est simple : si l’IA n’est pas nourrie avec intelligence, elle est naturellement d’extrême droite, renfermée sur elle-même. 

C’est du théâtre, absolument. Alors, la scénographie s’en mêle. Simon Senn pousse le jeu jusqu’au bout dans un dialogue très réel avec le patron de twitter, Elon Musk.  dSimon est une référence directe à toutes les histoires qui voient un créateur être dépassé par sa créature. Pygmalion et Galatée. Geppetto et Pinocchio, Victor Frankenstein et son monstre, les “réplicants” créés par les humains dans Blade Runner... Cela provoque toujours des fictions passionnantes. Mais que l’IA reste à sa place, si personne ne lui parle, elle se tait… L’air de rien, en rappelant sans cesse que l’IA n’est pas un humain, que même avec “le plus gros réseau de neurones artificiels au monde”, cela n’arrive pas à la cheville du nombre de neurones dans un cerveau, cela fait redescendre la tension d’un cran.

dSimon s’impose comme un personnage à part entière. Le duo entre la chercheuse et l’artiste est en réalité un trio. La performance fait avancer la réflexion sur une utilisation éthique et collective des IA. 

Jusqu’au 21 avril au Théâtre de la Bastille à 19h. Durée 1H. 

Visuel : © Hélène Legrand

 

 

 

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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