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Avignon OFF : l’intensité submersive de “Dis oui”

Avignon OFF : l’intensité submersive de “Dis oui”

20 July 2022 | PAR Lucine Bastard-Rosset

Venu tout droit de la Réunion, Nicolas Givran présente un spectacle musical à l’intensité submersive dont la puissance saura vous percuter ! Dis oui est à découvrir au théâtre du Train Bleu durant le Festival d’Avignon.

Dis oui relate l’histoire d’un jeune homme, Matthew, venu s’installer dans une ville, juste après avoir quitté son foyer familial. Confronté à la rudesse de son quotidien, il écrit à son père une succession de lettres, toutes restées sans réponse. La solitude, le rejet, l’ignorance l’obligent à se retrancher de plus en plus dans son monde. Jusqu’au moment où le mal-être accumulé ressort et emporte tout. 

L’originalité de la mise en scène

Le spectacle débute dès l’entrée en salle des spectateurs. Un instrument se fait entendre : une kora électrique, cette harpe africaine issue du Mali. Se joignent à une rythmique répétitive des sons étranges, comme ceux émis par une personne respirant sous l’eau. L’atmosphère créée est envoûtante et nous amène à écouter le récit qui suit.

Deux artistes se partagent le plateau : l’un est musicien, l’autre comédien. Sami Pageaux-Waro porte sur ses genoux cet instrument inhabituel qu’est la kora. A sa gauche, Nicolas Givran est debout derrière un micro, totalement statique. Il est vêtu d’un simple caleçon blanc, le reste de sa peau étant à découvert. Sur ce buste mis à nu est projetée une vidéo, seule source de lumière perceptible, le reste de la scène étant plongée dans le noir.

Voix et musiques se répondent

Le visage de Nicolas Givran n’est pas visible et son corps ne bouge pas. Il n’y a que sa voix qui se déploie par-delà l’espace. Elle contient toutes les émotions du personnage et renvoie à ce qu’il est. C’est par cette seule voix qu’on apprend à connaître Matthew. Son langage assez enfantin des premières lettres dévoile son innocence, tandis que sa diction fait ressortir sa timidité. Avec le temps, les malheurs se succèdent et la voix de Matthew se transforme. Elle perd sa douceur, sa pureté, pour n’être plus que désespoir, folie et colère. Nicolas Givran subjugue par sa capacité à modeler sa voix, tout sort de son ventre, de ses tripes. 

A cette voix se joignent les sonorités diverses de la kora. Elles dialoguent avec le récit, faisant ressortir les différentes facettes du texte : les lettres adressées au père, la rencontre au bar et le passage à l’acte. Ces trois phases du récit qui s’alternent sont accompagnées chacune d’une partition différente. On voyage entre sons, bruits, tapotements et mélodie.

Matthew se dédouble

La vidéo projetée sur le buste de Nicolas Givran déconcerte. Dans un premier temps, elle reste peu perceptible : des ombres étranges se créent sur le ventre, octroyant un côté surnaturel à l’instant, comme si le corps se dédoublait. C’est finalement ce qui se passe : des bras apparaissent, ils bougent alors que Nicolas reste statique. Des mains remplacent les bras, elles touchent ce corps laissé à l’abandon. 

Il est étrange de voir ce corps devenir double. La vidéo fait monter le malaise, elle oppresse. Elle rend compte de l’état émotionnel de Matthew, qui sombre de plus en plus dans le désespoir. Elle met en exergue ce dédoublement de soi-même, cet instant où l’on devient autre, celui que l’on n’est pas, un étranger dans son propre corps. 

Une intensité croissante se terminant sur un climax

Dis oui “explore le lien filial, l’absence, la difficulté à trouver sa place et l’extrême violence qui peut résulter de cette situation d’isolement social et affectif”. Matthew n’est pas quelqu’un de méchant mais sa condition précaire et le rejet de son père le poussent à commettre un acte irréparable. Cet instant où tout va basculer est amené par les mots, la voix, la musique et la vidéo. Tous ces médiums cumulés prodiguent au spectacle sa puissance. Ils se rejoignent pour former un amas de sensations au moment décisif. Tout devient incontrôlable et s’emporte, Matthew explose dans une colère et folie meurtrières. 

Il faut faire l’expérience de Dis oui pour pouvoir en ressentir toute l’ampleur. Un spectacle tiré d’un texte de David Keene, mis en scène et interprété par Nicolas Givran, avec la musique live de Sami Pageaux-Waro. Présenté du 8 au 27 juillet, à 18h15 au Train Bleu, salle 2, dans le cadre du Festival OFF d’Avignon. Relâches les 14 et 21 juillet. 

Visuel : © Affiche

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Lucine Bastard-Rosset
Après avoir étudié et pratiqué la danse et le théâtre au lycée, Lucine a réalisé une licence de cinéma à la Sorbonne. Elle s'est tournée vers le journalisme culturel en début d'année 2022. Elle écrit à la fois sur le théâtre, la musique, le cinéma, la danse et les expositions. Contact : [email protected] Actuellement, Lucine réalise un service civique auprès de la compagnie de danse KeatBeck à Paris. Son objectif : transmettre l'art à un public large et varié.

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