Opéra
Un Rinaldo de Händel féérique au Théâtre de Cornouaille

Un Rinaldo de Händel féérique au Théâtre de Cornouaille

19 January 2018 | PAR Yaël Hirsch

Opéra de jeunesse de Händel au casting duquel figurait le célèbre castrat Farinelli (1711), Rinaldo est la troisième production lyrique de la Co(opéra)tive, collectif qui réunit quatre scène nationales (Besançon, Dunkerque, Quimper et Compiègne), rejointes ici par Nantes-Angers Opéra.Ce jeudi 18 janvier 2018 avait lieu la première d’une longue tournée qui se finira cet été à Sablé, au Théâtre de Cornouaille. La salle était pleine et ébahie par la beauté du travail des musiciens du Caravansérail, dirigés par Bertrand Cuiller ainsi que par la mise en scène magique, féerique et pleine de vie de Claire Dancoisne.

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Inspiré par la Jérusalem libérée du Tasse, Rinaldo se focalise sur l’un des généraux de Godeffroy de Bouillon dans la guerre qu’ils mènent avec Argante et la magicienne Armida. Cette dernière enlève la promise de Rinaldo, la douce Almirena. La fureur du jeune guerrier est à son comble et il est prêt à braver l’enfer mille fois pour sauver son aimée…

“Cela fait quatre ans que je viens et c’est la première fois que je vois la fosse ouverte”, explique une spectatrice du Théâtre de Cornouaille, venue voir pendant l’entracte l’espace réservé au 27 musiciens du Caravansérail.  C’est en fait la deuxième puisque la première production  de la Co(opéra)tive, Les Noces de Figaro avaient déjà permis de proposer de l’Opéra sur cette Scène Nationale qui accueille évidemment du théâtre, montre aussi du cirque (le festival Circonova commence le 26 janvier) et de la danse. Avec Rinaldo, Opéra “à machines”, imaginé par un Händel de 26 ans désireux d’en mettre plein la vue au public londonien, le spectacle est à son comble. Dès les premières  notes de l’ouverture, l’ordre du jour est à la féerie et derrière son clavecin, Bertrand Cuiller dirige son orchestre avec sève et énergie.

Lorsque le rideau se lève, c’est la beauté qui nous saisit. Sculptant une perspective baroque avec quelques colonnes de lumière, Claire Dancoisne pose le cadre majestueux où ses machines, “bidouillages”, sculptures masques et poupées viendront se coordonner aux costumes  entre manga et opéra chinois des comédiens et chanteurs pour nous faire entrer dans la légende par l’éblouissement. La metteuse en scène et directrice du Théâtre de la Licorne, étable à Dunkerque nous avait déjà marqués en 2010 au Festival d’Avignon avec son Spartacus, puis avec son adaptation du Cœur cousu de Carole Martinez au Festival de la Marionnette (lire notre article) était la femme idéale pour donner tout son poids au fameux air de liberté d’Almirena “Lascia ch’o Piangia”. Dans cette mise en scène où tout est frais, beau, malin et inventif,  l’on jubile de voir  Armida arriver vraiment sur un dragon, Rinaldo et Almirena roucouler sur un petit gazon portatif où deux grands oiseaux viennent soutenir la sérénade. Et la beauté de la scénographie ne fait que s’intensifier : la fin du premier acte est un jeu de marionnettes où les chanteurs disparaissent en noir derrière les petites poupées de glaise crachant un peu de terre pour signifier le départ des guerriers. Et quand le rideau se relève, l’antre d’Armide est un grand arbre de fer entourés de dragons chinois où grimpe la sorcière, où elle emprisonne Rinaldo tandis que deux cerbères se plient aux ordres de la sorcière aux cuisses nues et à la parure d’héroïne de manga. La guerre est signifiée par des soldats de plombs demi-grandeur nature que des roues tragiques baladent très nombreux sur la scène et enfin, grandiose, épuré, Rinaldo triomphe sur un destrier qui semble plus “Don quixottien” qu’italien.

Nous sommes bluffés comme des enfants du début à la fin et, ce d’autant plus que la magie de la forme est en harmonie avec celle de la musique. Les violons vifs, les solos de clavecin et les moments solennels de trompette aussi bien que les grands aria, sont intenses, et semblent aussi libre et fou que l’imaginaire convoqué par la mise en scène, si bien que le final propose une note d’humour presque jazz dans l’improvisation. Côté voix, c’est un festin : En Rinaldo, omniprésent tout le premier acte, le conter-ténor Paul-Antoien Bénos-Djian est absolument merveilleux et son timbre ne fait que progresser : il nous émeut dans le fameux “Cara Sposa” et irradie avant l’entracte dans “Venti, turbini, prestate”. En Almirena aux allures houppées de Papagena, Emmanuelle de Negri est fabuleuse. Le public s’est tu un long moment après le “Lascia  ch’o Piangia”. En Geoffredo, Lucle Richardot est parfaite, en Argante le baryton Thomas Dollé s’accorde parfaitement avec Aurore Bucher en ARmide (très beau duo final), alors que cette dernière ne fait que prendre plus de corps et de voix à mesure que son rôle grandit.

Rinaldo est donc l’opéra à ne pas manquer, à Nantes, du 24 au 31 janvier, à Angers du 4 au 6 février, à Besançon les 9 et 10, à Saint Louis le 13, à Compiègne les 16 et 17, à Dunkerque les 20 et 21, à Charleroi, Mâcon et La Rochelle en mars et à Sablé le 24 août.

Visuel : ©Pascal Pérennec

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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