Opéra
Orphée et Eurydice de Gluck dans la version d’Hector Berlioz et Pauline Viardot

Orphée et Eurydice de Gluck dans la version d’Hector Berlioz et Pauline Viardot

17 October 2018 | PAR Victoria Okada

L’Opéra Comique a toujours des idées originales. Cette fois, il présente Orphée et Eurydice de Gluck, l’œuvre que l’on croyait connaître par cœur à force d’entendre à maintes reprises en versions italienne et française. Le pari de la Salle Favart est de monter la partition que Berlioz a remaniée en 1859 pour la contralto Pauline Viardot. Le pari accueilli avec grand succès.

Le jeu de miroir selon Aurélien Bory

Sur la scène, un immense panneau tantôt réfléchissant, tantôt transparent, dressé ou décliné à 90 degrés. Associé au système Popper’s Ghost, un vieux procédé optique pour faire apparaître des « fantômes », avec des jeux de lumières permettant la projection d’images virtuelles. Ce miroir-rideau domine tout au long de l’œuvre et joue un rôle essentiel, à la fois en séparant et en unissant deux mondes, ceux d’Orphée et d’Eurydice. Des toiles, aussi larges que la surface de scène, notamment celui qui reproduit Orphée ramenant Eurydice des Enfers de Corot (1861) — tableau contemporain à la version de Berlioz — participent également à ce jeu scénique. Manipulé, froissé, tordu ou tendu par les choristes, cet élément de décors devient un accessoire, voir une sorte de costume qui enveloppe les deux protagonistes. Une métamorphose s’opère alors autour d’Orphée et d’Eurydice et anime la scène, alors que ceux-ci demeurent dans la grande partie statiques. Épurée, la mise en scène d’Aurélien Bory apporte une dimension esthétique simple mais terriblement efficace.

Voix et orchestre en pleine harmonie

En ouverture, Larghetto du ballet Don Juan ou le Festin de pierre de Gluck pose le ton introspectif à l’œuvre. A la fin de cette musique intériorisée, est projetée avec puissance la voix de Marianne Crebassa, comme pour briser les ténèbres. Vêtue simplement d’une veste et d’un pantalon, elle impose d’emblée son art, et tout au long de l’opéra, elle réalise merveilleusement un jeu psychologique d’Orphée, voulue par le metteur en scène. Dans le rôle d’Eurydice, Hélène Guilmette, pourtant annoncée souffrante, explore son timbre velouté et offre ainsi une belle prestation. En Amour, Lea Desandre honore une performance parfaite non seulement vocalement mais aussi physiquement : aidée par les circassiens, elle qui a pratiqué le ballet classique se montre équilibriste élégante dans des mouvements exigeants.

Sous la direction de son chef Raphaël Pichon, l’orchestre de l’Ensemble Pygmalion crée des effets subtiles de contraste et de couleurs, ici consistants, là aériens, là encore transparents, renforcés par l’excellent chœur d’une homogénéité surprenante.

Cet Orphée et Eurydice vous réserve une soirée pas comme les autres, comme on aime passer à la Salle Favart ; une soirée d’où on sort entièrement conquis.

Le spectacle sera diffusé en directe sur Arte Concert dans le cadre de la saison ARTE Opéra  le jeudi 18 octobre ; il sera diffusé ultérieurement sur France Musique.

Prochaines représentations : 18, 20, 22 et 24 octobre à 20h.

photos © Pierre Grosbois ; © Stefan Brion

“Angels in America”, miroir toujours brûlant tendu aux sociétés occidentales
FIAC 2018: élégance, grandeur et inspirations murales
Victoria Okada

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration