Même sans Alagna, le Werther de Plasson et Jacquot reste habité à l’Opéra Bastille
Alors Jonas Kaufmann avait donné à entendre l’un des plus beaux Werther des dernières années, à l’Opéra de Paris, la reprise de la mise en scène imaginée par Benoît Jacquot pour le classique de Jules Massenet s’avérait une gageure, sans le ténor allemand. Alors que c’est une autre star qui devait reprendre le flambeau : Roberto Alagna, ce mercredi 29 janvier 2014, ce dernier était retenu loin de Paris; c’est donc l’interprète du second rôle Schmitt : Luca Lombardo, qui a repris le flambeau. Et avec assez de talent pour que l’on profite pleinement des 3h20 de magnifiques voix, orchestration et de la scénographie magistrale du dernier acte!
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A une fête où les enfants chantent à contre-temps des chants de Noël, le jeune Werther rencontre la belle Charlotte, qui vient de perdre sa mère, entourée de ses jeunes frères et sœurs qu’elle couve. Poète et romantique, il tombe immédiatement amoureux de cette jeune-femme si mature et si douce. Mais Lotte est déjà promise à Albert, que sa mère lui a fait promettre d’épouser sur son lit de mort. Désespéré Werther tente de s’éloigner, puis de revenir, avant de se donner la mort pour fuir son chagrin. Ce n’est qu’une fois l’irréversible accompli que la vertueuse Charlotte avoue son amour à Werther…
Transposition lyrique du best-seller de Goethe, Werther pose la question de l’amour, de l’honneur et du suicide. Trois thèmes qui nous parlent moins qu’à nos aïeux romantiques, mais que l’opéra parvient à poser délicatement en deux actes avant de faire culminer la tension dramatique dans les troisième et quatrième parties.
La mise en scène épurée de Benoît Jacquot suit ce schéma avec deux longues parties sous le ciel gris des amours déplacées, où le décor assez peu intime et très statique ne dégage aucun charme, ni la sensualité caravagienne à laquelle le réalisateur nous a habitués. Il faut attendre 2h20 d’actes et d’entractes pour voir se déployer l’intérieur de la maison de Charlotte, où la pénombre tournoie avec une grâce envoûtante. Investissant l’espace du public et concentrant le décor à la petite chambre du poète mourant, le dernier tableau est juste époustouflant et à grands renforts de tissus grenat
dans la pénombre, la mort semble plus érotique que la rencontre amoureuse…
Tout au long de cette mise en scène qui va crescendo, Michel Plasson et l’Orchestre national de l’opéra de Paris vivent chaque note de l’opéra de Massenet et enveloppent les chanteurs d’une douceur absolument déchirante. Ils sont au sommet de leur art quand la tension musicale arrive à son comble pour accompagner le duo des soeurs, le “Va! Laisse couler tes larmes” de Charlotte (sublime timbre et puissance marquante de Karine Deshayes) et le fameux “Pourquoi me réveiller” où la voix un peu nasale de Lombardo bien chauffée fait fleures.
Si l’on se laisse glisser dans le suicide de Werther comme dans un bain tiède, la retenue et la qualité du dernier acte finissent d’emporter et d’émouvoir profondément un public qui a applaudi à tout rompre solistes, chœurs et orchestre…
Werther, de Jules Massenet, d’après JW Goethe, dir Michel Plasson, Orchestre National de Paris, mise en scène Benoît Jacquot, avec Roberto Alagna / Abdellah Lasri / Luca Lombardo, Karien Deshayes, Hélène Guillemette, durée du spectacle 3h20. Matinée : dimanche 14h30.
Visuel : Karine Deshayes (Charlotte) et Roberto Alagna (Werther) © Julien Benhamou/OnP
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7 thoughts on “Même sans Alagna, le Werther de Plasson et Jacquot reste habité à l’Opéra Bastille”
Commentaire(s)
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LUDIVINE
Ce n’était pas l’an dernier mais en 2010 (soit il y a 4 ans) que Jonas Kaufmann nous avait ébloui en Werther…. et il est resté inégalé.
danmar
la reprise du flambeau n’était pas le 29 janvier car 3 représentations avaient déjà eu lieu avec Monsieur Alagna 19, 22 et 25 janvier, représentations qui ont connues un très grand succès et si Monsieur Alagna était “retenu loin de Paris” le 29 janvier c’est parce-qu’il assistait à la naissance de sa fille à Varsovie !!!
Franco
Roberto Alagna a chanté le rôle de Werther à Bastille déjà 3 fois, les 19, 22 et 25 Janvier avec un brio inégalable!! Toutes les critiques ont été unanimes pour saluer une interprétation sans égale!!!!! Si il était absent le 29 Janvier, c’était pour assister à la naissance de sa fille à Varsovie! l’Opéra a été prévenu en temps et en heure. La faute de l’incompréhension des spectateurs revient à l’opéra et à son annonce trop sibylline, sans annoncer que l’absence de Monsieur Alagna était due à cette naissance; comme si c’était par légéreté ou par caprice qu’il n’était pas présent!!!! Il est un grand professionnel, qui respecte son public, et pas un “rigolo”. Ludivine, vous n’avez pas vu Roberto dans un de ses 3 Werther déjà chantés, sinon vous ne pourriez pas dire que JK est inégalé! Tous les critiques ont dit que Monsieur Alagna est le meilleur Werther actuel. Il reste encore 3 représentations de cet opéra les 2, 5 et 9 février avec lui! Il n’a pas déserté son rôle!!!!
yael
Chers mélomanes et lecteurs de Toute la Culture
merci pour vos commentaires
Aux fans d’Alagna : si vous avez eu la chance d’entendre l’opéra avec le grand ténor, bravo, moi pas, j’ai donc juste chroniqué ce que j’ai entendu le 29 et qui se défendait tout à fait.
Bien à vous.
Franco
oui cher Yael, mais votre commentaire semblait tendancieux! Monsieur Alagna avant ce 29 Janvier et la naissance de sa fille, avait déjà chanté Werther de la plus belle façon qui soit!!!
Franco
… de la plus belle façon qui soit les 19, 22 et 25 janvier!
yael
Cher Franco, je vous crois, vous êtes allé tous les soirs?