Opéra
L’Etoile de Chabrier magistralement mis en scène par Renaud Boutin

L’Etoile de Chabrier magistralement mis en scène par Renaud Boutin

10 March 2014 | PAR La Rédaction

Le Théâtre Saint-Léon accueille une troupe enjouée et délicieuse pour trois représentations de L’Etoile de Chabrier, opéra bouffe en trois actes, mis en scène par Renaud Boutin et dirigé par Laurent Zaïk. 

l'étoile de chabrierÉtrange univers que celui de L’Etoile de Chabrier : on y rencontre un roi de pacotille, quatre voyageurs imprudents, un peuple sournois, avare de supplices représentés sur la place publique, mais aussi le mystérieux et troublant Lazuli, l’homme rêveur tombé d’une étoile. Le roi Ouf 1er, à l’occasion de son anniversaire, souhaite offrir à son peuple le plaisir perfide de voir succomber un de ses sujets sur l’échafaud. Ce spectacle en réjouit plus d’un chaque année. Malheureusement, le Roi erre de sujet en sujet cherchant à déceler en chacun l’outrage au régime qui lui permettrait une condamnation justifiable, en vain. Dans le même temps, Lazouli, naïf et innocent, tombe amoureux de la princesse Laoula, rencontrée par hasard sur son chemin. Croyant à tort que la belle jeune femme est mariée, il sombre dans un profond désespoir. Le roi vient à l’interroger sur le régime en place, et Lazouli, encombré de cet individu, se permet une gifle impertinente. Le roi, fort heureux de cet outrage public, révèle son identité et condamne Lazouli devant le peuple fou de joie. Mais au moment de la mise à mort par empalement, surgit Siroco, conseiller du roi, sommant d’arrêter l’exécution : il a lu dans les astres que le roi suivrait dans la tombe Lazuli à un jour d’intervalle après sa mort… Le roi gracie l’étranger, promettant au peuple une double exécution l’année suivante. Une suite de péripéties reconduira le chanceux Lazuli sur les traces de la princesse Laoula, et évitant de justesse un mariage arrangé et malheureux, la jeune femme épousera finalement Lazuli.

L’opéra bouffe de Chabrier, « perle fine de l’opérette française » selon Reynaldo Hahn, a été créé en 1877 aux Bouffes Parisiens, dirigé par Léon Roques. La complexité de l’œuvre rebuta le public parisien comme les instrumentistes, habitués à l’harmonie simple de l’opérette traditionnelle, si bien qu’ « il faillit y avoir une révolution au théâtre », comme le rapporte Vanloo. L’Etoile, après 47 représentations, fut retiré de l’affiche. Pourtant, l’œuvre, recelant une créativité sans bornes, alliant harmonies dramatiques et lignes mélodiques entêtantes, constitue le maillon d’une véritable évolution du langage musical de l’opérette. Chabrier fut d’ailleurs un compositeur admiré par D’Indy, Duparc, et Hahn. Ami indéfectible de Verlaine, Chabrier fut vite associé au groupe que l’on nomma plus tard les « parnassiens ». Pourtant, ce n’est pas sur un livret du poète saturnien qu’est composé L’Etoile, mais sur les paroles d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo.

La mise en scène de Renaud Boutin est remarquable : s’inspirant de l’art nouveau, il parvient à livrer aux spectateurs une vision nuancée et subtile de l’œuvre. Derrière le fou rire des personnages outrés, affublés des oripeaux chatoyants des personnages de bouffe se cache un univers nocturne et onirique, incarné par le personnage de Lazuli. L’opéra, certes, est comique, mais le tragique est dévié sans cesse de justesse, emporté par la logique démesurément gaie de l’œuvre. Il est à noter que de véritables trouvailles scéniques donnent vie à L’Etoile : c’est par exemple les personnages du chœur, portant tous le masque d’une horloge quand le roi compte les heures qui lui restent à vivre. Est-ce la vision cauchemardesque d’un roi ubuesque ne percevant plus ses sujets que comme des êtres réifiés, portant sur leur visage leur condition fatale ? La tragédie, toutefois, est tenue à distance par la scénographie festive et la tonalité légère du livret.

Le Groupe Lyrique, magistralement dirigé par Laurent Zaïk, est constitué de chanteurs amateurs faisant triompher le simple plaisir de chanter, et relève le défi de l’interprétation d’une œuvre trop peu souvent entendue, malgré une richesse dramatique et philosophique certaine.

Par Anna Camus

Visuel: © Affiche L’etoile de Chabrier

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Marie Charlotte Mallard
Titulaire d’un Master II de Littérature Française à la Sorbonne (Paris IV), d’un Prix de Perfectionnement de Hautbois et d’une Médaille d’Or de Musique de Chambre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise, Marie-Charlotte Mallard s’exerce pendant deux ans au micro d’IDFM Radio avant de rejoindre la rédaction de Toute la Culture en Janvier 2012. Forte de ses compétences littéraires et de son oreille de musicienne elle écrit principalement en musique classique et littérature. Néanmoins, ses goûts musicaux l’amènent également à écrire sur le rock et la variété.

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