Opéra
“Le papillon noir”: dans l’antichambre de la mort avec Yann Robin, Yannick Haenel et Arthur Nauzyciel

“Le papillon noir”: dans l’antichambre de la mort avec Yann Robin, Yannick Haenel et Arthur Nauzyciel

19 January 2021 | PAR Yaël Hirsch

Après une création à la Criée en 2018, l’opéra et monodrame Le Papillon Noir a été repris au Théâtre National de Bretagne pour un enregistrement qui permettait à la presse de voir en direct cette éclosion de la mort. Âpre, mesuré et symbolique.

Un Opéra pour Soprano sans voix

Le Papillon Noir est un monodrame pour une actrice-chanteuse (l’extraordinaire Elise Chauvain qui aura à peine le droit de proposer une note) treize musiciens et douze chanteurs. Le compositeur Yann Robin et le librettiste Yannick Haenel (artiste associé au TNB) se sont rencontrés lors de leur séjour, il y a dix ans à la villa Médicis. C’est une pièce de 1h30 sur une femme qui se meurt et dont le monologue parlé et phrasé s’entremêle à des chants inspirés par le livre tibétain des morts, le Bardo Thödol. “Je suis vivante, tu comprends?, VI-VANTE”. Madame se meurt mais madame n’est pas morte. C’est sa pulsion de vie que nous allons entendre tour à tour par son phrasé haché et par les sons caverneux, sombres, intérieurs que les musiciens de L’Ensemble Multilatérale, dirigé par Léo Warynski et voix des Métaboles, projettent dans la lumière d’Yves Godin qui sculpte leurs corps et leurs instruments pour en faire une procession. Ondoyante, tournoyante, allant d’un pupitre à l’autre sur une scène vide, elle nie d’abord.

Monodrame du désastre

Elle est au téléphone avec sa mère, elle est chez elle, elle a été heurtée par une voiture. Mais elle va bien, elle a juste la tête qui tourne. Puis petit à petit, même si elle reste vivante, même si elle revendique des amants et des maitresses, et la joie d’avoir une vie à soi, les murs sont plus difficiles à voir et les mots, à la Duras, naissent au bord d’une falaise de plus en plus haute. Elle se déplace; sa voix est une mélopée et prend le phrasé d’une écriture du désastre. Un désastre qui se précise au fur à à mesure que la pénombre laisse filtrer une lumière blanche qui se réchauffe. Elle laisse ses souliers et sa robe, comme celle de la Belle au Bois Dormant passe du blanc au noir au rouge, au fur et à mesure qu’elle ressasse une vie en train de lui échapper.

Disparitions

La mise en espace de Arthur Nauzyciel crée du mouvement et de la nuance, malgré le manque d’espoir… Et c’est bien à partir du contraste entre la musique qui chante le passage et ce texte fractionné, hachuré, barré, avec si peu de chair, raconté même en flash-back, que se dessine le visage implacable de la mort. Un spectacle qui donne à ressentir l’image décrite par Haenel de la disparition de l’ange de l’Annonciation de Fra Angelico à Florence.

Un spectacle qui a été capté lorsque nous avons pu le voir et que vous retrouverez très prochainement en ligne.

 

Yannick Haenel, Yann Robin, Arthur Nauzyciel, Léo Warynski, Les Métaboles, Multilatéral, Elise Chauvin. Le Papillon Noir au Théâtre National de Bretagne. 

 

crédits visuels (c) Gwendal Le Flem

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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