Opéra
L’amour sauvage et innocente se revendique dans “Hippolyte et Aricie” de Rameau au Théâtre des Champs-Élysées

L’amour sauvage et innocente se revendique dans “Hippolyte et Aricie” de Rameau au Théâtre des Champs-Élysées

28 May 2019 | PAR Yuliya Tsutserova

L’on sent, dès les premières notes de la tragédie lyrique Hippolyte et Aricie par Jean-Philippe RAMEAU, au Théâtre des Champs-Élysées le 26 mai 2019, que l’on est sur le point d’assister au rayonnement, à travers les abîmes du temps, d’une vision d’une sophistication musicale et philosophique du premier ordre.

D’abord un peu de contexte mythologique. Une dette est due à la déesse virginale Diane : autrefois, Thésée lui a corrompu une prêtresse amazone pour en faire la mère de son fils Hippolyte. Mais la chasseresse chaste n’est pas sans cœur : Hyppolite et Aricie se retrouveront enfin purifiés de la malédiction des maisons royales d’Aegeus et de Minos, libres à s’aimer dans l’asile de son bois sacré… Le sacrilège roi Thésée sera naturellement puni par séparation à jamais de son fils, témoignage vivant de l’amazone profanée. Or le vrai destin tragique n’annéantirait que la malheureuse reine Phèdre, elle-même arrachée de l’autel de la Déesse Mère de Knossos pour être remise dans les bras de celui qui a déjà délaissé sa sœur aînée Ariadne… L’on est “glacé d’une horreur sans égale !”, comme s’écrie Hyppolite.ma

Et juste au moment où l’on se croyait aux limites de pathos, Jean-Philippe RAMEAU (1684-1764) vient y rajouter, en sa tragédie lyrique Hippolyte et Aricie, toute la solennité et la splendeur de la cour de Louis XV : un tour de force compositionnel et performatif en gestation depuis cinquante ans de recherches théoriques musicaux et mathématiques en quasi-obscurité vagabonde… La création, au Théâtre des Champs-Élysées, de cet œuvre jalon dans l’histoire de l’opéra français est un joyau qui ne scintille moins pour être dénué de sa monture scénographique et choréographique : du premier duet de Mélissa PETIT (en Aricie) et Cyrille DUBOIS (en Hippolyte), « Temple sacré, séjour tranquille… », l’on n’attend que leur retour sur scène. La colorature lyrique de Petit est d’une pureté, souplesse et agilité toute naturelle, d’une abondance qui s’étend bien au-delà des exigences – pourtant importantes ! – de la partition. Le ténor radiant de Dubois lui fait un complément idéal : toute la chaleur et portée d’un rayon de soleil s’y retrouvent sans la moindre pesanteur qui peut accompagner la projection d’un ténor dramatique. Bien que lamentable en personnage, le Thésée d’Edwin CROSSLY-MERCER fait fondre le cœur : c’est la rare vulnérabilité sentimentale d’un héro endurci qui retentit dans les profondeurs veloutés de son baryton-basse. Ça serait impossible de ne rien dire au sujet de Phèdre : un aveu, hélas, des sentiments partagés. L’on imagine difficilement que quelqu’un puisse outrepasser Stéphanie D’OUSTRAC en matière de drame : mais Phèdre, ce n’est pas ni Médée, ni Euménide, ni quelque matrone dérangée, c’est une princesse minoenne au fait toujours assez jeune, ignorée par son mari, obsédé par une amazone défunte, et détestée, par la cour athénienne, en tant qu’importation étrangère… L’on est réconnaissant, donc, à d’Oustrac pour une intonation enfin plus plaintive et « unplugged » en « Cruelle mère des amours… ».

Le CHŒUR DE L’OPÉRA DE ZURICH est d’une sophistication vocale remarquable, dont la section des sopranos se déploie en volées plissées jubilatoires en « Accourez, habitants des bois ! » et majestueuses en “Puissant maître des flots”, des moments inoubliables. 

L’orchestration de cet œuvre exige une précision quasi-chirurgicale et une concentration amidonnée sans le moindre relâchement, et, en effet, l’on avait incontestablement entendu, d’Emmanuelle HAÏM, mais, hélas, non pas dans cette production, mais plutôt celle de 2012 à l’Opéra national de Paris, avec Le Concert d’Astrée.

Visuels :

© Tsutserova

Mélissa Petit © DR

Infos pratiques

Théatre Gérard Philipe
Comédie saint michel
theatre_des_champs-elysees

One thought on “L’amour sauvage et innocente se revendique dans “Hippolyte et Aricie” de Rameau au Théâtre des Champs-Élysées”

Commentaire(s)

  • gibert

    On ne dira jamais assez combien le traducteur automatique est un fléau…

    May 29, 2019 at 18 h 52 min

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