Opéra
Jeunes talents pour le World Opera Day ce 25 octobre sur OperaVision : Interview d’Elaine Kidd, directrice du Jette Parker Young Artists Programme

Jeunes talents pour le World Opera Day ce 25 octobre sur OperaVision : Interview d’Elaine Kidd, directrice du Jette Parker Young Artists Programme

18 October 2021 | PAR Yaël Hirsch

Lundi 25 octobre, la 4e édition du World Opera Day mettra en avant la manière dont l’opéra participe de nos sociétés et de leurs engagements citoyens. Sur le site OperaVision, la plateforme qui propose des live streams d’opéras de 29 institutions internationales dans 17 pays, c’est l’occasion d’un streaming qui dure de 10 heures du matin à minuit, où 7 grandes maisons d’opéra se passent le relais et mettent en avant leurs jeunes talents. Tout commence à Tokyo, et, après un passage par l’Opéra-Comique, c’est le Royal Opera House qui sera en ligne à 14 heures. À cette occasion, Elaine Kidd, la directrice du Jette Parker Young Artists Programme (JPYAP) du Royal Opera House nous parle de ce projet qui a 20 ans et a permis à de nombreuses carrières artistiques de prendre leur envol. Pour elle, le streaming est un élément désormais incontournable, dans une perspective de rayonnement international.

Pour suivre le World Opera Day sur OperaVision, c’est ici.

Programme du 25/10 on line 
10h00 CET – New National Theatre Tokyo
12h00 CET – Opéra-Comique Paris
14h00 CET – Royal Opera House Covent Garden
16h00 CET – Staatsoper Hannover
18h00 CET – Dutch National Opera
20h00 CET – Polish National Opera
22h00 CET – Teatro dell’Opera di Roma/Festival Verdi Parma

 

 

Depuis combien de temps participez-vous aux festivités du World Opera Day ?
Nous nous impliquons dans le World Opera Day avec Opera Europa depuis 2019. Nous le marquions avant cela de manière locale en proposant des événements en fonction de l’agenda de la compagnie.

Quel est le programme du 25 octobre cette année, en live à Londres et sur le site de Opera Vision ?
C’est un moment très dense pour nous. Nos artistes de JPYAP ont déjà joué dans quatre productions principales et six autres événements, concerts et récitals depuis le début de l’année. Pour le World Opera Day, nous allons intervenir tout au long de la soirée avec des moments de coaching et des répétitions de La Traviata où nombre de nos artistes, chanteurs et répétiteurs sont impliqués. Nous allons parler de cela avec le présentateur Elle Osili-Wood et partager certains projets digitaux que nous avons créés la saison dernière quand nos scènes étaient fermées.

C’est le 20e anniversaire du Jette Parker Young Artists Programme. Quelles sont les réalisations et les novations ?
Au début, le programme ne concernait que les chanteurs, mais assez naturellement, nous y avons ajouté les répétiteurs, les chefs d’orchestre d’opéra, les accompagnateurs des ballets et les metteurs en scène. Le programme principal dure deux ans avec un coaching individualisé pour environ une douzaine d’artistes. Les chanteurs s’emparent d’un vaste champ de rôles et doublures sur nos deux scènes, et, désormais, le digital et le streaming sont devenus des composantes essentielles de leur expérience. Comme vous le verrez dans nos Jukebox Concerts en ligne, il faut qu’ils soient à l’aise pour présenter leurs rôles et être interviewés. Et c’est tant mieux s’ils peuvent aborder les aspects les moins glamours de la vie de chanteur, comme la santé mentale ou la résilience. Le développement du mental est une part essentielle de notre programme, surtout dans le climat actuel où les repères sont mouvants.

Mais le Jette Parker Young Artists Programme déborde désormais ce programme central. Si les artistes de la compagnie demeurent notre priorité, nous ouvrons également le programme et les ressources du Royal Opera House aux artistes sous-représentés dans notre panel de talents. Nous leur ouvrons des observations, des accès aux répétitions, des cours de direction d’orchestre pour les femmes chefs, ainsi que du soutien et de l’entraînement pour les metteurs en scène de théâtre qui se tournent vers l’opéra. Cela enrichit les talents pour le Royal Opera mais aussi pour tout le secteur. En Grande-Bretagne par exemple, la mise en scène a souvent été un travail pour ceux qui savaient surnager : cela mettait en avant des individus confiants, venus de certains milieux. L’opéra a une culture bien spécifique et chaque institution a ses idiosyncrasies. Si nous voulons être accessibles aux meilleurs talents indépendamment des privilèges sociaux, il est de notre responsabilité de dérouler nos tentacules activement hors de notre microcosme pour aller chercher des artistes émergents qui ont tant à apporter à nos publics, si on leur donne l’accès, l’information et l’opportunité de s’élancer.

Comment le World Opera Day permet-il à cette discipline de toucher un public plus large que les habitués ? Quelle est l’importance de la diffusion web ou TV dans cette perspective ?
Nos artistes viennent du monde entier. Il est donc vraiment important pour eux de pouvoir partager leur travail avec leur famille et leurs amis dans leurs villes et pays d’origine, et que les directeurs de casting des opéras du monde entier puissent voir ce travail. L’expérience immédiate de la voix et du corps est extraordinaire pour le public live, mais les possibilités qu’ouvre le streaming nous permettent de nous connecter à un public mondial et c’est une opportunité phénoménale d’augmenter le rayonnement de nos artistes et de les connecter avec une audience plus large et potentiellement toute nouvelle. Pendant l’épidémie, plusieurs de nos jeunes metteurs en scène ont créé des films pour nous et cela a été une manne pour développer nos propres projets, notamment dédiés à des visionnages digitaux.

 

Parmi les membres du Jette Parker Young Artists Programme, la metteuse en scène Isabelle Kettle et le chef d’orchestre Michael Papadopoulos ont créé ensemble un double spectacle Kurt Weill pour écran – Les Sept péchés capitaux et Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny – qui a eu énormément de succès ; cela demande une autre dramaturgie et offre des possibilités de développement créatifs au-delà de l’art de capturer ce qui se passe sur scène depuis la salle. Dans le Project Ring, Michael Papadopoulos et le répétiteur Michael Sikich ont proposé de suivre comme dans une série leur préparation à jouer le Ring de Wagner au piano. Ils ont récemment fait une présentation géniale de leur exploration en live lors d’une de nos semaines de rencontres « Meet The Young Artists Week”. On peut retrouver leur voyage sur Facebook et Instagram.

Après le Brexit et les fermetures de frontières dues à la pandémie, quelle est l’importance pour les jeunes artistes d’un événement international qui permet à Londres de jouer sur la même « scène » que Tokyo, Paris, Hanovre, Amsterdam et Rome….
C’est d’une importance vitale. Le Brexit est très effrayant et pas seulement pour l’Opéra. Cela n’a pas été le choix de la majorité des artistes… Alors que les politiques sont transitoires, nous restons européens. Nous travaillons tous les jours dans de nombreuses langues européennes, nous appuyant sur un héritage culturel riche, et nous devons conserver le lien de toutes les manières possibles. Notre implication dans le festival Europalia est un engagement en ce sens, avec notamment des performances éphémères à la gare de Saint-Pancras, qui est le passage principal des Britanniques vers le continent. Notre relation avec Opera Europa est essentielle et notre participation à la programmation de cette année d’OperaVision est une évidence. Et récemment, nous avons rejoint l’ENOA (European Network of Opera Academies), ce qui nous a permis de partager les cours et les offres d’emploi à une autre échelle, ce qui est superbe pour les artistes et à terme pour les publics. Notre perspective a toujours été internationale et non-paroissiale et cela ne changera pas, quelles que soient les barrières que nous rencontrons.
Alors que nos artistes ont aussi apprécié ne pas vivre avec une valise toujours prête, chaque jour ils continuent d’améliorer leur français, leur allemand ou leur italien. Voyager en Europe pour travailler et s’immerger dans ces cultures est ce qui leur permet d’améliorer leur compréhension de ce qu’ils jouent et chantent. J’ai moi-même commencé comme metteuse en scène, et je sais combien le fait d’avoir travaillé dans différents pays avec des personnes de nationalités différentes m’a permis de m’améliorer : cela a amélioré mon empathie, mon intelligence émotionnelle, et cela m’a permis de développer une pratique personnelle bien meilleure et faite d’emprunts à différentes approches…

Comment travaillez-vous cet aspect international, comment cela se traduit-il en terme d’auditions, de candidatures et de partenariats ?
Alors qu’en vingt ans, 68 % des artistes du Jette Parker Young Artists Programme sont venus d’autres pays que la Grande-Bretagne, le mélange de nationalités enrichit énormément notre programme et représente fièrement la culture du Royal Opera House, qui est lui-même un théâtre international.

Nos anciens élèves partagent l’action du programme dans leurs pays d’origine. Par exemple, il y a deux semaines a eu lieu la conférence de presse du lancement de l’atelier pour jeunes chanteurs initié par le ténor Andrés Presno. Un de nos anciens metteurs en scène présent dans la région va aussi soutenir ce programme. Nous nous efforçons de développer un modèle de hubs internationaux qui permettent de soutenir la croissance d’infrastructures locales soutenant les talents émergents. Nous proposons du soutien, des conseils et parfois du coaching. Au long cours, c’est une bien meilleure façon d’auditionner les futurs participants au programme que de leur faire prendre l’avion pour chanter quelques airs et les renvoyer après un round. Cette année, afin de réduire notre empreinte carbone et ne pas dépenser des fortunes en avion, il a été impératif de penser un nouveau modèle d’audition : après l’écoute aveugle des enregistrements de 600 candidats, nous avons réduit les listes de candidats retenus jusqu’au nombre de 26 que nous avons invités à auditionner en live. Deux cohortes nous ont donc rejoints pour une expérience de dix jours de coaching qui a culminé avec les auditions en panels. Ils ont eu ainsi l’occasion de se connecter au Royal Opera House, de voir des répétitions, de travailler avec nos coachs et d’avoir un avant-goût ce que qu’est le travail au JPYA. Ainsi, même s’il n’est pas retenu, chacun de ces candidats auditionnés aura eu une expérience bénéfique à son développement qui mérite le déplacement. Cette année, ils ont même pu travailler avec Tony Pappano.

Comment gardez-vous le contact avec vos anciens élèves ? Comment suivez-vous leurs trajectoires ?
Notre merveilleux administrateur Thomas Marshall, de même que le précédent Siri Fischer-Hansen, sont régulièrement en contact avec nos anciens élèves. Pour nos 20 ans, nous avons organisé un concert avec 130 de nos alumni de promotions de 2004 à 2018. Nous continuons à proposer des coachings à nos diplômés jusqu’à 5 ans après qu’ils nous ont quittés, et notre directeur artistique David Gowland soutient tous nos anciens pour préparer leurs nouveaux rôles. Enfin, plus de 25 % de nos anciens élèves du Jette Parker Young Artists Programme reviennent travailler avec le Royal Opera, cette saison…

Dernière question et non des moindres : Quels sont vos projets avec OperaVision en cette saison et quel rôle joue ce média dans votre stratégie digitale ?
Notre partenariat qui traverse les continents est représentatif de notre nature internationale. Partager du contenu en streaming via OperaVision nous permet d’atteindre un public européen et de lui proposer un contenu que sinon nous ne pourrions pas streamer. La production saluée de Jenufa par Claus Guth, avec Asmik Grigorian dans le rôle-titre et Karita Mattila en Kostelnicka, sera bientôt disponible sur la plateforme OperaVision et nous sommes fiers d’avoir trois récents membres du Jette Parker Young Artists Programme au générique de cette production de même qu’un de nos plus récents artistes. Nous avons aussi enregistré une reprise de la production mythique de la Flûte enchantée par David McVicar qui inclut plusieurs membres anciens et actuels du Jette Parker Young Artists Programme et qui sera bientôt diffusé, mais cette fois-ci sur le site du Royal Opéra House. 

Pour suivre le World Opera Day sur OperaVision, c’est ici.

Pour suivre la chaîne youtube du Royal Opera House, c’est là.

(article partenaire)

Visuel de couverture (c) Frances Marshall 

 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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