Inva Mula triomphe dans La Bohème
Il y a quelques semaines, la soprano Inva Mula abordait pour la première fois le rôle-titre de Mireille à l’Opéra Garnier dans la mise en scène du nouveau directeur de l’Opéra de Paris Nicolas Joël. Nous la retrouvons cette fois à l’Opéra Bastille où elle joue Mimi, un rôle qu’elle connaît bien pour le chanter régulièrement sur les grandes scènes d’opéra dans le monde. La production présentée est une reprise de la mise en scène de Jonathan Miller qui date de 1995. Elle y est magnifique.
La bohème est un classique de l’opéra italien de la fin du XIXe siècle que l’on appelle opéra « vériste ». Comme un Balzac en littérature, cet opéra de Puccini, dont le livret est inspiré des Scènes de la vie de bohème de Henri Murger, s’attache à faire le récit du quotidien misérable des gens simples et de leurs malheurs ordinaires. L’histoire d’amour déchirante et tragique entre Mimi, une jeune fille simplette et malade et Rodolfo, un poète désargenté qui vit de l’art et de l’air du temps est sublimée par la musique de Puccini. Daniel Oren dirige l’orchestre avec beaucoup de nuances. Il choisit de ralentir et étirer les longues phrases musicales pour rendre compte de la force évocatrice et émotionnelle de cette musique au sentimentalisme exacerbé.
La mise en scène est une belle réalisation qui parvient à rendre une atmosphère naïve et intimiste sur le grand plateau de la Bastille même si on aurait pu éviter quelques conventions comme le face public et des moments trop statiques L’action est transposée dans les années 1930. Chaque tableau fonctionne comme une carte postale nostalgique d’un Paris révolu. Les beaux décors de Dante Ferretti, inspirés sans doute de Caillebotte et Doisneau, font revivre un Paris pittoresque et populaire : la mansarde, le café Momus grouillant de monde, la neige tombant sur les vieux pavés de la barrière d’enfer. On y croise des personnages romanesques comme la femme de petite vertu ou le très bon chœur d’enfants de l’Opéra en petits gavroches des rues qui chipent des bonbons à un marchand ambulent. On célèbre les artistes, Marcello le peintre, Schaunard et Colline, respectivement Ludovic Tézier, David Bizic et Wojtek Smilek, très bons chanteurs, sont le reflet d’une jeunesse insouciante qui s’accomplit dans l’art et qui prône la liberté.
Si le ténor Massimo Giordano n’a pas séduit, les femmes sont les triomphatrices de la soirée. Dans le cas du premier, la justesse est approximative au départ. Il se rattrape par la suite, sa voix est belle mais le chant reste poussif. En revanche, dès son entrée en scène Natalie Dessay illumine le plateau. Vocalement très à l’aise dans l’aigu, elle joue de son incroyable présence scénique et campe une Musette frivole et drôle. Elle gagne en sobriété dans la deuxième partie et donne de l’épaisseur à ce rôle secondaire. On ne l’attendait pas dans ce rôle mais ce choix audacieux est un pari réussi. Pour Mimi, Inva Mula a la silhouette idéale de la femme fragile, mais surtout, elle bouleverse par la beauté de sa voix et la subtilité de son interprétation. Chaque note est amenée avec délicatesse, pianissimo, pour se développer, prendre de l’ampleur et se suspendre en l’air. L’acte III est poignant. Tous sont véritablement investis sur le plan théâtral et les sanglots de Rodolfo, la mort de Mimi, le recueillement des amis sont criants de vérité.
La Bohème,Jusqu’au 29 novembre 2009. Direction musicale Daniel Oren. Mise en scène Jonathan Miller. 2 distributions en alternance, Opéra Bastille, 130, rue de Lyon, Paris 12 e, m° Bastille, réservation : 08 92 89 90 90.