Il Giustino de Vivaldi à Berlin, légers plaisirs baroques
La Staatsoper Unter der Linden de Berlin présente Il Giustino de Vivaldi. Christophe Dumaux est un excellent Giustino. René Jacobs dirige avec joie L’Akademie für Alte Musik de Berlin. La production mise en scène par Barbora Horáková semble n’avoir qu’un unique (et maigre) objectif : être plaisante et divertir.
C’est sur un plateau de théâtre, devant les pans d’un décor pas fini, des toiles et des colonnes antiques en trompe l’œil que déboule un groupe d’enfants bruyants suivis par leur institutrice. Ces jeunes sont les doubles des sept protagonistes. Ils observeront l’intrigue et prendront part au jeu.
Vivaldi composa Il Giustino pour le carnaval de Rome en 1724. Un univers esthétique hétéroclite multiplie les clins d’œil au théâtre baroque, à Louis XIV mais aussi à Laurel et Hardy, à Gene Kelly, à Buster Keaton. Les costumes empruntent des éléments à tous les siècles : culottes bouffantes, bottes hippies, redingotes, lunettes de soleil, perruques blanches, armures médiévales et baskets. La déesse Fortuna se déplace en trottinette. Des judokas en kimonos font irruption dans le palais. L’ensemble est amusant sans être hilarant. L’équipe artistique se contente d’une lecture un peu décalée visuellement mais ne cherche ni à actualiser ni à approfondir les dimensions satirique et politique que l’œuvre pourrait inspirer aujourd’hui. On regrette l’absence d’une lecture plus personnelle, plus particulière, plus profonde.
Avec aisance et passion, René Jacobs explore la fantaisie et la variété de l’instrumentation, fait entendre les couleurs nombreuses, la majesté, la sensualité, la pétulance des airs, déploie une théâtralité séduisante et des nuances ciselées.
Christophe Dumaux est Giustino, le modeste paysan qui souhaite sortir de sa condition et qui parviendra à la gloire et au pouvoir après avoir tué un ours, combattu un monstre marin, vaincu la tempête et sauvé la princesse. Il voudrait être un Cadmos ou un Jason alors qu’il plume une poule. La voix du contreténor français ne cesse de s’épanouir. Son jeu naturel, une belle intériorité et une gravité bienvenue contrastent avec le maniérisme (fatigant) du prince Antonio, narcissique et fashion victim, interprété par Raffaele Pe. La bonne humeur règne sur le plateau. Le casting féminin est admirable et pétillant. Citons Kateryna Kasper (Arianna), Robin Johannsen (Leocasta) et Helena Rasker, irrésistiblement drôle dans le rôle d’Andronico qui se travestit en femme pour vivre plus proche de sa bien-aimée.
Photo : Matthias Baus