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Alexander Joël : « Tout devrait se dérouler comme si le chef d’orchestre n’existait pas. »

Alexander Joël : « Tout devrait se dérouler comme si le chef d’orchestre n’existait pas. »

25 June 2022 | PAR Philippe Manoli

Nous avons réalisé une interview par lien vidéo avec le chef d’orchestre anglo-allemand Alexander Joël, peu après qu’il a remplacé au pied levé Daniele Rustioni à l’opéra de Lyon dans la production de Rigoletto le 23 mars 2022.

Bonjour, Alexander ! Merci tout d’abord de faire cette interview en français.

Bonjour, Philippe ! Oh, cela me fait plaisir, car je suis allé au lycée français à Vienne et à Londres, mais cela fait bien longtemps, plusieurs années que je ne le parle plus régulièrement, ce n’est plus aussi facile qu’auparavant.

C’est d’autant plus gentil de votre part. Et je suis heureux de pouvoir parler avec vous, après vous avoir vu notamment l’an dernier deux fois sur le podium à l’occasion de la production de Rigoletto mise en scène par Richard Brunel à Nancy en juin 2021et ensuite à Luxembourg en novembre, puis à Lyon dernièrement. J’ai d’ailleurs été impressionné par le fait que vous ne saluiez pas le public avant le début de la représentation… Vous êtes sans doute le seul chef que j’ai vu faire ainsi.

Ah, mais c’est parce que cela faisait partie de la production. Elle se passait dans un théâtre, et c’était prévu comme cela, cela devait commencer dans le noir.

Ah, très bien, mais cela me semblait aussi bien correspondre à votre personnalité, puisque j’ai eu l’impression que vous étiez assez discret, comme l’était, d’ailleurs, le protagoniste de la production, le baryton espagnol Juan Jesùs Rodríguez, qui ne prenait pas de saluts seul, mais toujours avec les autres chanteurs.

 Oui, c’est parce qu’il est très très modeste. Mais je dois dire que moi aussi ; ça m’est égal.

C’est bien l’impression que j’avais eue. Cela me semble aller de pair avec votre façon de diriger. Votre style est d’une grande sobriété, il refuse l’effet, l’esbroufe, tout est concentré sur l’efficacité de l’arc dramatique plutôt que sur l’instant, et cela me semble correspondre à une éthique globale chez vous. Je pense que ça vous ressemble.

Cela m’étonne que vous l’ayez remarqué, mais j’en suis très heureux. Tant de gens ne comprennent pas grand-chose, à mon avis, à la direction d’orchestre. Peut-être est-ce un domaine un peu trop abstrait, abscons, pour beaucoup de gens… J’essaie de travailler de façon très organique… En fait, j’estime qu’on ne devrait tout simplement pas remarquer le chef. Tout doit avoir l’air de fonctionner parfaitement comme s’il n’existait pas.

Et en même temps, la direction d’un chef tel que vous reste quelque chose de très personnel : vous venez de remplacer à Lyon Daniele Rustioni dans Rigoletto encore, pour une tout autre production, et on reconnaît immédiatement votre direction, qui est différente de la sienne alors même que vous n’avez quasiment pas eu de répétitions, avec un orchestre qu’il avait préparé et qu’il dirigeait d’une façon très personnelle et bien différente de la vôtre. Dès les premières mesures j’ai reconnu votre style.

Normalement on peut faire un tel remplacement sans répétition, on fonctionne comme cela dans le système de répertoire que je connais en Autriche, en Allemagne. Je suis en train de faire un spectacle à Vienne, à la Volksoper, je n’ai pas eu de répétitions et c’est normal. À Lyon, j’ai pu répéter un peu. Pratiquement rien… une demi-heure. Mais j’ai préféré utiliser un peu plus de temps avec le chœur, ce qui est primordial, car le chœur, c’est plus délicat, plus difficile pour obtenir la cohésion… j’ai fait deux tempi assez différents de ce qui était prévu, et il valait mieux l’avoir fait une bonne fois avant d’être en représentation. D’autant qu’ils ne sont pas en fosse, ils ont des choses à faire théâtralement sur scène, donc beaucoup de paramètres à gérer, il est nécessaire qu’il n’y ait pas trop d’inconnues pour eux. Avec l’orchestre, j’ai juste eu une petite discussion sur quelques éléments, j’ai bien vu qu’ils étaient très flexibles. C’est un orchestre vraiment extraordinaire. Le maestro Rustioni bien sûr avait beaucoup travaillé avec l’orchestre sur le volume et les dynamiques et je n’ai pas beaucoup changé, j’ai beaucoup aimé ce qu’il a fait. Mais, bien sûr, quand on a comme moi beaucoup dirigé une telle œuvre, on trouve très vite les maques de sa propre interprétation, quand bien même elle diffère de la préparation.

J’ai lu dans des interviews que vous avez données qu’il était, selon vous, toujours important pour un chef de bien comprendre les chanteurs, mais n’est-il pas aussi important que le chef d’orchestre soit compris ? Car malheureusement il semble que la différence entre un excellent chef et un chef médiocre soit très mal perçue tant par la critique, les directeurs, les agents, ou le public…

Le chef d’orchestre est souvent compris seulement par les gens qui travaillent avec lui, je pense. Un succès dépend beaucoup de quelle œuvre on a à jouer, de quel chanteur on dispose pour le faire. En dirigeant une œuvre de Wagner ou Strauss, on aura quasiment toujours du succès, alors qu’avec une opérette peu connue le succès sera plus difficile à obtenir – notez bien que je n’ai rien contre les opérettes, j’en dirige énormément.

Vous disiez en interview que le travail du chef d’orchestre se fait essentiellement à huis clos, loin des yeux du public, et que de ce fait la compréhension de l’importance de ce qu’il fait échappe au public.

Oui, et le chef ne maîtrise pas tout, surtout s’il officie avec un orchestre qu’il ne voit pas souvent. Il arrive qu’un instrumentiste soit moins performant que les autres, que ce soit pour des raisons techniques, parce que l’embouchure de son instrument à vent n’est plus bonne, ou qu’il n’est plus aussi bon qu’au début de sa carrière : eh bien… on dira que c’est la faute du chef d’orchestre. Alors qu’il n’y peut pas grand-chose. C’est aussi le cas avec certains chanteurs. De toute façon, un bon chef peut emmener un orchestre plus haut qu’il n’est habituellement, mais si certains solistes ont des faiblesses, c’est très difficile de le cacher. Il y a des limites à ce qu’on peut réussir. Mais à l’opposé, avec un orchestre de tout premier plan, même si un chef dirige mal, ils joueront à peu près bien. Avec les chanteurs c’est un peu plus délicat, aussi. Sauf qu’ici pour Rigoletto, j’avais une distribution magnifique, et à Nancy aussi, parce que Juan Jesùs Rodríguez est un chanteur vraiment extraordinaire, et même les deux Gilda, Rocío Perez et Marina Monzó étaient splendides…

Justement, pour revenir à cette production nancéenne, qui était assez originale, du moins le metteur en scène peut-il s’en expliquer dans une note d’intention, alors que le chef d’orchestre qui ne s’exprime que par la musique doit être appréhendé d’une façon sans doute beaucoup plus intuitive.

Et plus indirecte, oui. C’est vrai. Et puis c’est une question d’expérience aussi. Car notre approche des œuvres se développe au fil des années. Quand comme moi on a dirigé Rigoletto des dizaines de fois en vingt ans, alors on finit par en connaître les détails, on sait ce qui ne fonctionne pas, on connaît tous les passages délicats. Rigoletto, Traviata, Carmen, Il Trittico, Butteffly, Tosca, Bohème, ces œuvres de répertoire font partie de moi.

Et encore une fois dans ces œuvres, comme Turandot que vous aviez dirigée à la Deutsche Oper de Berlin, je trouve qu’on reconnait immédiatement votre style en quelques mesures.

J’essaie de trouver une ligne qui soit très organique, même si les chanteurs doivent toujours avoir la capacité de respirer, mais chez Puccini, il est toujours dangereux de diriger trop lentement, les chanteurs faisant un rubato, on se retrouve à l’arrêt, on perd la ligne, et cela ne fonctionne plus. On doit toujours faire avancer la musique, c’est comme une bonne voiture, vous savez, cela doit accélérer avec souplesse, comme une voiture électrique, il faut que cela soit fluide.

Dans un autre domaine, comment gérez-vous les difficultés des chanteurs ? Aujourd’hui, contrairement à ce qu’il se passait il y a vingt ou trente ans, il n’y a plus de doublures, alors comment faire en cas de difficulté ?

Oui, cela arrive. Hier soir, je dirigeais un Barbier de Séville à Malmö, et l’un des chanteurs était malade. Alors parfois, on peut les aider : dès qu’on se rend compte de quelque chose, on réagit, s’ils ont besoin d’un un tempo plus ralenti pour respirer, ou au contraire d’une accélération pour que leur souffle soit moins sollicité. Disons que cela correspond à une part de l’attention globale qu’on prête aux chanteurs. Pour reprendre l’exemple de Rigoletto, que j’ai beaucoup dirigé, pratiquement chaque chanteur veut son tempo, et pourtant je dois plus ou moins imposer le mien dans les ensembles, sinon l’œuvre perd sa structure globale, alors il s’agit de faire des compromis. Certains barytons veulent faire un « Cortigiani, vil razza dannata » très rapide, d’autres qui ont une voix plus lourde ont besoin d’un phrasé plus long, on aménage plus ou moins, pas beaucoup, mais c’est nécessaire. Autre exemple : Micaëla dans Carmen, un rôle très difficile si les chanteuses n’ont pas assez de grave, puisque c’est un rôle moins léger qu’on le croit, il sollicite beaucoup le grave. Il faut trouver une solution pour qu’on les entende mieux, jouer plus lentement pour qu’elles puissent plus appuyer, par exemple.

Photo by Suzanne Kreiter, Globe Staff

Oui c’est un rôle plus difficile qu’on le pense, et on y engage rarement les chanteuses adéquates. A ce sujet, avez-vous souvent votre mot à dire en tant que chef pour les distributions ?

En tant que chef invité, normalement non, mais quand on est Generalmusikdirektor comme je l’ai été à Braunschweig, alors dans ce cas on décide de la distribution avec le directeur de la maison, oui.

Dans ce cas, il vous faut passer beaucoup de temps dans les autres maisons pour découvrir des chanteurs dans les spectacles.

Oui, ou dans les compétitions. J’ai été membre du jury à Operalia, étant ami d’Alvaro, le fils de Plácido Domingo, avec qui je suis allé à l’école, et j’ai découvert des chanteurs dans ce concours.

Avez-vous le temps de comprendre les chanteurs, même si ce n’est pas dans le cadre d’une nouvelle production ?

Oh, oui. Cela fait maintenant 27 ans que je dirige, alors, j’arrive à me rendre compte assez vite comment fonctionne tel ou tel chanteur. Pour la production lyonnaise, je n’ai pas eu une minute de répétition avec les chanteurs, j’ai travaillé avec la vidéo, et ensuite quand on dirige en direct, on sent où ils vont aller. Le reste du temps, on a des répétitions musicales, on a assez de temps pour bien travailler dans ce sens.

La question du système de troupe est un vieux serpent de mer en France depuis qu’on l’a abandonné à Paris dans les années 1970. C’est un système que vous connaissez bien, pour le fréquenter beaucoup dans les pays germaniques. Que pensez-vous de l’opportunité de recréer une troupe à l’opéra de Paris ?

Oh, c’est un système qui a des inconvénients et des avantages. Moi je suis un grand fan des troupes, car ça permet à des amitiés de naître, cela donne un esprit à une maison d’opéra, j’y ai rencontré ma femme, soit dit en passant. Cela génère des relations personnelles entre les gens. Et aussi, dans la responsabilité du chef d’orchestre, cela permet de développer des rôles avec les chanteurs. De les faire évoluer vocalement, en les guidant au travers des rôles. C’est une tout autre approche que celle où dans les productions on attend que le chanteur soit totalement prêt dès le début de la production. À Braunschweig, j’ai pu faire travailler des rôles un an à l’avance à de jeunes chanteurs, et je pouvais aussi leur dire des choses plus personnelles sur leur voix. Il faut être aussi prêt à leur dire des choses qui sont peut-être difficiles à entendre sur ce qu’ils font de leur instrument, pour qu’ils ne se ruinent pas la voix, pour éviter qu’ils aient des nodules ou quelque chose comme ça. Ce genre de chose, on ne peut pas le dire à un chanteur invité, même si c’est utile pour lui. Dans une troupe, les chanteurs sont un peu comme nos enfants, alors on peut aller très loin pour les guider dans la bonne direction pour leur avenir.
C’est valorisant de les voir partir dans une troupe plus prestigieuse, ou devenir solistes internationaux ensuite. Je suis un fan de la troupe parce que ça donne une tranquillité aux chanteurs, par rapport à la critique ou autre, la vie continue, ils sont payés tous les mois.
Le problème des troupes c’est que souvent il n’y a pas assez d’argent, pas assez de chanteurs, donc ceux qui sont là peuvent parfois y chanter trop des rôles pas parfaits pour eux, cela peut leur faire du mal, aussi.
J’étais à Kapellmeister à Düsseldorf pendant six ans, et avec une troupe de 65 chanteurs, j’avais un nombre suffisant pour tout faire, et les chanteurs n’avaient pas trop à chanter, ils ne risquaient pas leur instrument. La troupe est intéressante pour débuter et apprendre, comme Benjamin Bernheim a pu le faire, et Diana Damrau, Jonas Kaufmann, etc. Il faut pouvoir voler de ses propres ailes ensuite, après cinq ans. C’est utile parce qu’en France, par exemple, pour les jeunes chanteurs il n’y a pas beaucoup de rôles, il n’y a pas tellement de maisons, ils n’ont qu’une ou deux productions dans une année, difficile pour eux de survivre. Mais, de toute façon, les maisons en France ne jouent pas assez de spectacles pour une troupe, ils font cinq à six productions par an, avec trois à cinq représentations par production, moins de trente représentations en tout . Ils ne jouent tout simplement pas assez pour maintenir une troupe. Il faut pour un jeune artiste pouvoir jouer au moins vingt-cinq à trente spectacles dans l’année pour que ce soit rentable.

Vous avez été formé selon la tradition du Kapellmeister, pouvez-vous nous expliquer en quoi cela diffère de ce qui se fait comme formation actuellement pour les chefs ?

Quand j’ai commencé, j’étais co-répétiteur, dans de petites maisons d’opéra, ce qui existe encore en Allemagne. Je répétais avec le chœur depuis le piano, avec le ballet au piano. On apprend comment fonctionne une maison dans toutes ses composantes. Ma carrière s’est construite très lentement à partir de ces petites maisons, jusqu’à de plus importantes. Je suis passé de Baden à Klagenfurt puis au Volksoper de Vienne, une plus grande maison avec de plus grands noms en tant que chanteurs, avec des orchestres habitués à bien fonctionner avec des répétitions minimales, c’est tout un processus de formation lente et approfondie. De nos jours, on donne leur chance à de jeunes chefs de but en blanc, ils ont la possibilité de diriger de grandes formations très tôt dans de grandes maisons, sans avoir la profonde expérience nécessaire. À 28 ans, quand j’ai débuté à la Volsksoper, j’étais très, très nerveux, mais j’avais déjà l’expérience suffisante pour ne pas me retrouver malmené par de grandes formations qui connaissent les œuvres presque mieux que nous. Et la formation pour un chef d’opéra est différente de celle d’un chef qui dirigera essentiellement le répertoire symphonique, elle est plus complexe et doit être plus complète.

J’aimerais aborder la question de votre rapport à la notoriété : vous avez dirigé dans des maisons très prestigieuses comme le Covent Garden de Londres, la Deutsche Oper de Berlin, etc., mais il me semble que vous ne recherchez pas le prestige et la notoriété. Votre approche de votre métier n’est-elle pas plus celle d’un artisan que celle d’un artiste, de ce point de vue ?

La carrière ne m’importe pas beaucoup, parce que, malheureusement, la carrière d’un chef ne dépend pas nécessairement de la qualité de son travail. Bien sûr, la plupart des chefs célèbres sont excellents, mais il existe également de nombreux chefs excellents qui ne sont pas connus. La carrière se fait ou non en fonction de la chance, de l’opportunité, des agents. Un jour, à Klagenfurt, je dirigeais un concert, et dans la salle se trouvait l’organisateur des concerts du festival de Salzbourg, Hans Landesmann. C’est lui qui m’a recommandé à la Volksoper de Vienne, car il a été très impressionné par ma performance. C’est lui qui a incarné cette chance nécessaire. Mais il faut aussi diriger un répertoire qui permet de se mettre en valeur.
Donc la chance joue beaucoup, mais la carrière ne m’intéresse pas, ce qui m’intéresse c’est de jouer des œuvres passionnantes avec des gens de qualité. C’est pour cela aussi que l’opéra est important pour moi. Parce que dans l’opéra on est moins au centre de l’attention, le travail d’équipe prime. À l’opéra, je suis heureux, après j’ai juste à rentrer à la maison et me cuisiner quelque chose de bon à manger, et boire un verre de vin… Je n’ai même à la limite pas besoin des applaudissements, la performance m’importe, le reste m’est égal. Même si bien sûr le plaisir du public est important.

Aujourd’hui dans les mises en scène modernes, vous êtes parfois à la merci des metteurs en scènes qui peuvent introduire des silences non prévus, et changer même la musique. Qu’est-ce que vous êtes prêt à accepter dans ce domaine ?

Je n’ai pas eu beaucoup l’occasion d’être confronté à ce problème. Je ne sais pas ce que je ferais. En règle générale, je m’arrange avec les metteurs en scène.

À Nancy, vous aviez un enregistrement à la place de la banda sur scène au début de Rigoletto.

Oui, vous avez pourquoi ? C’était très pratique, car on avait un orchestre réduit pour raisons sanitaires. Et la réduction des cuivres notamment dans l’orchestre faisait que si on avait dû jouer la banda cela n’aurait pas sonné comme la partition de Rigoletto, alors c’était mieux de l’enregistrer, ce qui collait parfaitement à la mise en scène, puisque nous étions au premier acte derrière la scène d’un théâtre.

De toute façon, nous pouvons espérer que dans l’avenir, ce genre de problème ne se posera plus.

Merci beaucoup, Alexander, pour cet entretien. Nous essaierons de vous voir par exemple à Zürich l’an prochain, où vous dirigerez Lakmé en avril 2023, avec Edgardo Rocha et Sabine Devielhe, ce qui augure d’un très beau spectacle.

Avec grand plaisir, Philippe.

Visuels : © Julia Wesely

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Philippe Manoli

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