![[Interview] La Cie La Pendue présente son spectacle “Tria Fata” à Charleville Mézières](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2016/09/tria_fata_visuelC_web-482x454.jpg)
[Interview] La Cie La Pendue présente son spectacle “Tria Fata” à Charleville Mézières
Après son succès au festival Chalon Dans La Rue, le spectacle de marionnettes Tria Fata de la compagnie La Pendue fait l’affiche de J-365 à Charleville Mézière ce week-end. Une reconnaissance de la profession pour un spectacle très abouti, qui le mérite amplement. Estelle Charlier et Martin Kaspar Läuchli, les deux artistes en scène dans ce spectacle, ont accepté de répondre aux questions de Toute La Culture.
Toute La Culture : Merci beaucoup d’avoir accepté de vous entretenir avec nous. Commençons par les grandes lignes : Tria Fata, le deuxième spectacle de la compagnie La Pendue, est un spectacle qui s’appuie sur un travail qui est ancien ?
Estelle Charlier : Oui, c’est en quelque sorte une troisième version d’un travail qui a commencé il y a une dizaine d’année. Tria Fata représente pour nous un aboutissement de nos recherches avec cette esthétique et ce type de manipulation. Nous nous sentons toujours en création, puisque des scènes, des détails de manipulation, des transitions sont essayés, changés, travaillés aux fils des représentations.
TLC : Le raffinement ultime d’une collaboration qui a impliqué beaucoup de monde en dehors des deux artistes sur le plateau?
E. C. : Nous avons travaillé à plusieurs, on pourrait parler de création collective : Martin Kaspar à la création de la musique, Romuald Collinet et Pavlína Vimmrova à la mise en scène, Romaric Sangars au texte et en regard extérieur. J’ai reçu également les conseils de Sarah Charlier pour les parties plus « dansées » et de masque. Il ne faut pas oublier Anthony Lopez qui a fait la création lumière. Enfin, j’étais moi-même au plateau en tant que marionnettiste, et porteuse de ce projet. En amont, il y a eu un long travail de création des marionnettes, accessoires et de la scénographie (que j’ai réalisé avec Romuald, et dans un second temps avec Martin).
TLC : L’arche narrative centrale dans Tria Fata, de revenir sur l’histoire d’une marionnette comme dans un long flashback, d’où vient-elle à l’origine ?
E. C. : Au départ, nous avions des idées « marionnettiques », nous avons travaillé sur la marionnette en tant que symbole universel d’humanité. Nous avons exploré son apparente impuissance, ses rapports ambivalents avec le créateur-manipulateur, le thème des fils qui élèvent ou se rompent, ou encore celui des forces agissant dans l’ombre…
Et c’est ensuite que nous avons cherché à ranger ces scènes dans une histoire. Plutôt que de montrer des événements et rebondissements extraordinaires de la vie de cette femme, nous avons choisi de montrer ses transitions de vie, comme des rites de passage : la naissance, le passage de l’état de bébé à l’état d’enfance, d’adolescence, puis d’adulte et de maturité…
TLC : On retrouve là quelque chose de la tradition du conte populaire : des histoires très simples, mais sensibles et universelles, qui touchent profondément les gens.
E. C. : Oui, c’est que nous avons cherché, et c’est l’étonnante liberté de la marionnette qui nous offre cette possibilité. L’histoire est simple mais c’est la manière dont elle est racontée qui lui donne tout son intérêt. Nous avons cherché à jouer sur l’efficience poétique et émotionnelle des images, de la dramaturgie, de la musique, et de la lumière, afin de toucher les spectateurs.
TLC : Où est-ce que la musique est venue s’insérer dans ce processus d’écriture ?
Martin Kaspar Läuchli : J’étais présent pratiquement au début des répétitions. Certaines idées de scènes de marionnettes existaient déjà, j’ai improvisé et créé. Nous avons cherché les liens entre la musique et le reste, entre le musicien et la marionnettiste. Nous ne voulions pas d’une musique qui illustre. La musique occupe une place centrale, par moment ça devient presque un concert.
TLC : Comment vous est venue l’idée du dispositif des diapositives pour figurer les souvenirs de la marionnette ? Le résultat est très beau, et l’idée est tellement simple en définitive…
E. C. : Ca vient de recherches techniques sur le théâtre d’ombre, sur le désir d’un écran qui soit en mouvement dans le vide et sur la possibilité de faire des zooms en ombre.
M. K. L. : Maintenant cela semble logique, mais pendant une longue partie de la création, nous ne savions pas que nous allions raconter l’histoire de la vie de la petite vieille avec cette scène de diapositives. Nous avons pris énormément de photos de marionnettes, de matières, d’humains…
TLC : C’est vrai que ces photos-souvenirs, tout le monde en a plein ses tiroirs… et d’avoir créé une série de photos-souvenirs pour la marionnette, cela l’humanise immédiatement !
E. C. : On nous parle souvent de cette scène, je n’avais pas pensé que cela toucherait à ce point le public. Chaque fois, je sens que les gens réagissent…
M. K. L. : Oui, ils se reconnaissent…
TLC : En effet, c’est un spectacle très émouvant, l’un des plus enthousiasmants parmi ceux qu’il nous avait été donné de voir pendant la 30ème édition de Chalon Dans La Rue cet été… Merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à nos questions.
A voir dans le cadre du Week-end marionettes J-365 à Charleville Mézière (22 au 25 septembre 2016), parmi d’autres très belles propositions telles Whispers de la compagnie Mossoux-Bonté.
Visuels: (C) Tomas Vimmr et Estelle Charlier