Danse
Le festival Parallèle à Marseille entre folklore et récits de création

Le festival Parallèle à Marseille entre folklore et récits de création

31 January 2023 | PAR Julia Wahl

Le Festival Parallèle investit le KLAP et le Ballet national de Marseille pour deux semaines de danse et de performance.

Le KLAP-Maison de la danse a ouvert en 2009, avec pour ambition de mettre en valeur la création artistique par des spectacles, des représentations publiques ou des actions d’Éducation artistique et culturelle. Il accueille jusqu’au 4 février des spectacles et performances du festival Parallèle. Y étaient ainsi programmés le week-end dernier deux spectacles de danse, Breathing, de Liam Warren et Hugo Mir-Valette, et Au cœur, de Dalila Belaza.

La seconde de ces pièces, Au cœur, a été créée en 2021 au Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville. Il s’agit d’un travail avec la communauté de Lous Castellous, dix danseurs et danseuses revêtu.es de tenues traditionnelles dansant autour de Dalila Belaza à la manière d’un corps de ballet. Les gestes chorégraphiques du folklore aveyronnais sont restitués tels quels ou font l’objet de réinventions à l’aune de la danse contemporaine. L’intérêt premier de ce spectacle est le rapport à un espace en évolution, les danseurs et danseuses folkloriques s’éloignant très progressivement de la danseuse-chorégraphe pour mettre en valeur son solo. Le tout crée le sentiment d’un monde en extension, tout en créant petit à petit une césure entre la danse contemporaine et la danse traditionnelle. Ce travail n’évite toutefois pas l’écueil d’une convocation un peu exotisante de la danse traditionnelle, ni la juxtaposition excessive entre les deux types de chorégraphie.

Quant à Breathing, qui ouvrait la soirée, il se présente comme une réflexion en actes sur la question du souffle et de la respiration. Le public est accueilli par une musique au plateau imitant le son du vent et de la tempête. Progressivement, une lumière subtile vient découvrir le thorax de Liam Warren, dont les côtes bougent au son d’un souffle régulier. Loin de toute impudeur, cette respiration et cette lumière jouent sur la ténuité : ténu, le souffle du poumon ; ténue, cette lumière qui ne révèle du corps que les vallons du système respiratoire. Jamais, le corps n’est visible tout à fait, et les variations chromatiques et lumineuses participent de la création d’une multiplicité de tableaux.

Si le propos du spectacle est bien de nous offrir des variations sur la question du souffle, ces multiples tableaux nous emmènent dans des endroits bien plus intimes, qui s’ancrent dans des référents culturels multicentenaires, sinon millénaires. Le corps de Liam Warren se reflète ainsi par instants sur le sol, en un tableau qui a partie liée avec l’imaginaire baroque : comme dans les poèmes de Théophile de Viau, l’air et la mer semblent indissolublement joints, le corps et son reflet formant un tout indivisible. Plus tard, c’est dans un monde de terre et de glaise que le corps du danseur, éclairé d’ocre, nous emportent. A la manière des premiers récits de création bibliques et assyriens, le Souffle divin donne la vie à un être d’argile. Ce spectacle brille ainsi par l’importance de l’imaginaire convoqué.

Le Ballet national de Marseille, dirigé par La Horde, accueillait pour sa part Yes, de Bam Bam Frost, le lendemain. Des tapis en peluche aux multiples tons de bleu et, accrochée en l’air, une chaise orange, en peluche elle aussi. Bam Bam Frost, en costume de jean à paillettes, ébauche des gestes mécanisés au rythme d’une musique électronique. Sa gestuelle joue des sens, sa chorégraphie étant à certains moments guidée par l’oreille, à d’autres par des bras qui battent comme les branches d’un arbre. L’objet du spectacle était de travailler sur les rapports entre pop culture et danse sociale pour “rendre la révolution irrésistible”. Si l’on perçoit bien la façon dont la pop culture est évoquée, avec l’omniprésence de la peluche et des musiques populaires, la question de la révolution apparaît moins nettement, ce qui nous laisse sur notre faim.

 

Visuel : affiche du festival

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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