Le petit chaperon rouge de Joël Pommerat à la Maison des Métallos
C’est l’histoire d’une petite fille, si mignonne dans son manteau rouge, que tout le monde l’appelait Le Petit Chaperon Rouge…C’est l’histoire de l’histoire du Petit Chaperon Rouge, passée entre les mains de Joel Pommerat, qui la débarrasse de toute désuétude, et y place les questions des enfants d’aujourd’hui.
C’est un conte que nous raconte ici Joël Pommerat. D’ailleurs, toute la première partie du spectacle nous est ” contée” par un narrateur. Les images qu’il décrit prennent vie sur le plateau, incarnées par Isabelle Rivoal et Murielle Martinelli. Déroutant à première vue, ce procédé présente pourtant la distance nécessaire à la bonne écoute et compréhension de l’histoire. On suit la petite fille, engluée dans sa solitude et son ennui, qui cherche désespérément à sortir …mais sa maman, cette grande femme aux talons qui claquent, qui manque de temps, a peur pour elle, et l’oblige à rester à la maison. Elle sortirait bien, pourtant, cette petite fille, ne serait-ce que pour aller voir sa grand-mère, là-bas, de l’autre côté de la forêt. Et puis, d’abord, elle est grande, elle n’a pas peur…
Un jour, elle réussit à convaincre sa mère, et sort…Grisée par la liberté, elle tente d’oublier sa peur en jouant avec son ombre dans la forêt,confrontée à un environnement aussi hostile que fascinant…jusqu’à la rencontre avec le loup.
La modernité est partout dans cette adaptation. D’abord, dans la figure de la mère, toujours pressée, toujours stressée, qui semble très familière à beaucoup d’enfants. Puis dans l’idée de transmission, installée en filigrane dans tout le spectacle. Pourquoi la mère a-t-elle si peur ? Comment grandira la Petite Fille après le drame terrible qu’elle a subi ? Car la version psychanalytique du conte est ici très visible, et si les enfants retiennent du loup son dialogue hilarant avec la grand-mère, les parents, eux, rient jaune, tant la bête revêt clairement une attitude de prédateur sexuel.
“Je me suis souvenu du récit que ma mère me faisait, quand j’étais enfant, du long trajet qu’elle devait parcourir pour aller à l’école. Elle marchait chaque jour à peu près 9 kilomètres dans la campagne déserte. Enfant, cette histoire m’impressionnait déjà. Elle m’impressionne encore plus aujourd’hui. J’imagine une petite fille avec son cartable, sous la pluie ou dans la neige, qui marche sur les chemins, traverse un bois de sapins, affronte les chiens errants. Avec ce texte, j’ai eu envie de retrouver les émotions de cette petite fille-là. Je sais que cette histoire est aussi une partie de mon histoire. Je sais que ce long chemin qu’a emprunté ma mère, presque chaque jour de son enfance, a marqué sa vie, imprégné son caractère, influencé beaucoup de choix de son existence. Et je sais que cette histoire a contribué à définir aujourd’hui ce que je suis.” Joël Pommerat
Que dire de plus ? Il s’en passe des choses sur ce plateau nu ! Des jeux de lumière magnifiques, qui transportent les spectateurs dans un rêve éveillé, végétal et fantastique et donnent l’impression , par moments, que le loup est réel. On peut aussi parler de la magnifique scène où l’enfant, pour oublier sa peur, seule dans la forêt, joue avec son ombre. Ou encore évoquer celle, qui, par des jeux de lumières incroyables, montre l’entrée du loup dans la maison de la grand-mère.
C’est d’une précision redoutable et d’une beauté à couper le souffle. Les enfants sortent ravis, les parents aussi, quoiqu’un peu ébranlés par la violence sous-jacente. On rêve longtemps à cette petite fille et au long chemin semé d’embûches qu’elle a parcouru pour conquérir sa liberté.
création théâtrale de Joël Pommerat d’après le conte populaire
assistant à la mise en scène Philippe Carbonneaux
avec Rodolphe Martin, Murielle Martinelli, Isabelle Rivoal
scénographie et costumes Marguerite Bordat
scénographie et lumières Éric Soyer
suivi de la réalisation scénographique Thomas Ramon
Actuellement à la Maison des Métallos