Spectacles
Fernando Pessoa et sa riche complexité sur la scène de l’Echangeur de Bagnolet

Fernando Pessoa et sa riche complexité sur la scène de l’Echangeur de Bagnolet

12 January 2021 | PAR quentin didier

Dans un seul en scène, la comédienne Aurélia Arto interprète les différents hétéronymes du célèbre poète portugais. « Et me voici soudain roi d’un pays quelconque », une création de Guillaume Clayssen et Aurélia Arto.

Parce qu’on ne peut repousser indéfiniment une première, c’est finalement à partir de ce lundi 11 janvier qu’ont démarré les représentations de cette pièce à l’Echangeur de Bagnolet. Fernando Pessoa se présente et s’adresse enfin à un public presse. Il est vêtu d’une longue robe noire et coiffé d’une perruque blonde mi-longue, bizarre…

Pas si seul(e) que cela

C’est seulement accompagnée de quatre modules blancs à miroir que la comédienne Aurélia Arto nous plonge dans l’intimité du poète surréaliste. Heureusement le portugais ne n’est jamais senti véritablement seul, ou tout du moins pas de la manière que nous l’entendons. Comme des manifestations schizophrènes, Fernando Pessoa s’est entouré d’autres poètes et artistes avec une sensibilité artistique proche de la sienne. Ces derniers se manifestent lorsqu’il réalise une œuvre dont il n’a pas l’impression d’être l’auteur. Pessoa signe donc sous le nom d’Alberto Caeiro, puis Ricardo Reis, Alvaro de Campos et Bernardo Soares. Ces pures inventions deviennent ses ‘’hétéronymes’’. Il leur créé une biographie très précise car ce ne sont pas des doubles de sa personne, mais bel et bien des extensions de ses sentiments.

Aurélia Arto incarne tour à tour chacun de ces hétéronymes pour retracer la pensée si complexe de Fernando Pessoa. Les poètes prennent alors une apparence féminine avec de surcroît des vêtements presque excentriques. Mais est-ce que finalement le célèbre écrivain portugais ne propose-t-il déjà pas une dimension théâtrale ? C’est là toute la question de la mise en scène de Et me voici soudain roi d’un pays quelconque.

La pensée critique avec humour

En effet toute la question ici est d’explorer la pensée baroque de Fernando Pessoa. Avec son approche philosophique surréaliste et empiriste, le poète remet en question toutes connaissances. Ces dernières ne naissent pour lui que de l’expérience sensible. Aurélia Arto et Guillaume Clayssen composent un humour autour de cette théorie. Et me voici soudain roi d’un pays quelconque pousse la pensée critique jusque dans des retranchements génialement décalés. Devons-nous remettre en question cette personne qui s’adresse à nous en se présentant comme Alvaro de Campos ou Bernardo Soares ? Finalement nous n’avons jamais rencontré ces individus, nous n’avons donc aucune idée de leur apparence. Difficile alors d’affirmer totalement que ce n’est pas tel ou tel poète mais simplement une comédienne affublée d’un chapeau et d’une moustache.

L’absurdité fait rire mais elle prend ici une dimension poétique, presque métaphysique. « Je me suis rendu compte, en un éclair, que je ne suis personne, absolument personne. Il n’est personne, me semble-t-il, qui admette véritablement l’existence réelle de quelqu’un d’autre. ». Fernando Pessoa a développé une pensée critique aussi charmante que nihiliste. Aurélia Arto interprète joliment ce dilemme avec une naïveté bienvenue.

Et me voici soudain roi d’un pays quelconque propose un regard théâtral et parfois burlesque sur l’œuvre si riche et complexe de Fernando Pessoa. Une dimension particulièrement adéquate pour appréhender le travail du poète portugais. La pièce nous transporte avec élégance et sobriété dans un univers où tout et rien sont à la fois possibles.

Visuel : ©Emmanuel Viverge

Et me voici soudain roi d’un pays quelconque 

Conception et montages de textes : Aurélia Arto et Guillaume Clayssen

Mise en scène : Guillaume Clayssen

Jeu : Aurélia Arto

Tournée : 

5 et 6 février 2021 – Théâtre du Chatelard – Ferney-Voltaire

19 au 21 mars 2021 – Théâtre des quartiers d’Ivry – CDN du Val-De-Marne

Le 25 mars 2021 – Théâtre de Suresnes Jean Vilar

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quentin didier

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