Danse
Portrait Marlene Monteiro Freitas : Les Bacchantes au Centquatre

Portrait Marlene Monteiro Freitas : Les Bacchantes au Centquatre

05 December 2022 | PAR Gautier Higelin

Portrait du festival d’Automne à Paris, Marlene Monteiro Freitas a installé sa pièce Bacchantes – Prélude pour une purge au sein du Centquatre pour trois représentations. Retrouvez notre critique lors de sa première représentation en France, en décembre 2017.

La géniale chorégraphe Cap-verdienne nous propose de voir ou revoir son spectacle protéiforme, une œuvre qui métamorphose la tragédie d’Euripide. Avant même d’avoir gravi les marches du gradin, l’ambiance du spectacle traverse les couloirs du Centquatre…

Un carnaval dadaïste

À peine assis, on distingue des fanfaristes qui se baladent aux quatre coins de la salle, laissant la scène aux comédien.ne.s qui, eux, s’agitent déjà dans tous les sens.

Une fois la musique lancée, une paire de fesses, dotée d’une voix rauque et d’une perruque, vient au-devant de la scène pour entonner, sur un rythme reggaeton, un chant aux allures punk. Une façon de signifier que la déformation, le burlesque et la démesure seront au rendez-vous lors des deux heures à venir.

L’interprétation de la folie des rituels dionysiaques des Bacchantes vient se mêler à la chorégraphie organique de Marlene Monteiro Freitas. Une énergie qui fait tomber le quatrième mur et qui vient jouer avec l’inconfort du public.

L’esthétisme et les courbes cèdent leur place à une gestuelle saccadée, répétitive qui vient signifier, la plupart du temps, une action. L’extravagance burlesque, travaillé par le maquillage et les masques, n’oublie jamais d’exister à travers une sensibilité musicale.

Un univers sonore qui brouille les pistes, tant l’hybridation entre danseur et musicien, corps et instruments, est réalisée à la perfection.

Si la fanfare commence à jouer Desafinado de João Gilberto, les comédiens s’empressent de prendre un tuyau d’arrosage pour siffloter le thème dans le même langage.

Une tragédie qui laisse sa place au mythe et à la transe

Après l’hybridation, c’est aussi la déformation qui nous fait entrer dans la démesure. Une fois que tabourets et lutrins, présents par dizaine sur scène, tombent entre les mains des danseurs, ils sont symboliquement métamorphosés. Fusil de chasse, guitare, vélo, machine à écrire, trompette, trombone, pagaie, antenne ou bien télescope, tout y passe. Le rapport à la fiction devient fluide, il suffit que le public partage l’état de transe de ceux qui sont sur scène pour passer dans ce monde sans frontières.

Toutefois, la mise en tension nécessaire à cette transe doit persister tout du long sinon quoi la sortie peut être définitive…

L’apothéose intervient dans la scène finale. Un boléro de Ravel pour l’éternité.

Si dans un premier temps la danse répétitive et saccadée s’entrelace efficacement avec la musique pour former une totalité, la déstructuration générale ne va pas tarder à lui donner une autre dimension. Les trompettes et batteries dissonantes vont venir s’associer aux dégoulinements de sang sur le corps des danseuses. La ritournelle scintillante devient sanguinolente. Le Dionysos des Bacchantes est bien là, et son désir d’ivresse nous tourmente. Le public hagard, est avide d’une transe dont il ne sait pas vraiment s’il la partage ou pas.

Une fois le rideau tombé, l’énergie hybride et rythmé de Marlene Monteiro Freitas va, quant à elle, bien rester.

“Quelque chose advient au-delà. C’est une rencontre. On peut beaucoup travailler et préparer les choses mais on ne sait jamais ce qui va advenir et surtout comment cela va se passer” – France Culture, Marlène Monteiro Freitas, 28 Novembre 2022

Visuel : Affiche Web Centquatre Marlène Monteiro Freitas

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