Danse
Petter Jacobsson : le ballet de Lorraine travaille 99% du temps avec les créateurs d’aujourd’hui

Petter Jacobsson : le ballet de Lorraine travaille 99% du temps avec les créateurs d’aujourd’hui

11 February 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Nous ne cessons de louer dans nos pages les qualités du Ballet de Lorraine, il était temps de parler avec son directeur de ses fondations et de sa programmation tournée vers le contemporain.

À la tête du ballet de Lorraine depuis onze ans, qu’avez-vous impulsé durant cette décennie ? Quelle est votre patte ?

Je suis venu avec mon compagnon Thomas Caley. Nous avions déjà travaillé ensemble et nous avions un plan de ce que l’on voulait faire. Cela a pris du temps. Les danseurs ont aussi changé, il s’agit d’une nouvelle équipe. J’étais très clair car c’est primordial lorsque nous arrivons dans un nouveau lieu. En même temps, j’ai dit aux danseurs que je ne savais pas ce qu’ils allaient faire l’année prochaine. Le ballet de Lorraine est une organisation de création. Il faut être à l’écoute. Le projet était de promouvoir les créations malgré les incertitudes. Lorsque nous sommes arrivés, nous avions le sentiment qu’il y avait deux compagnies au sein d’une seule. Une question en particulier se posait : qui dansait quoi ?

Peut-on associer le ballet de Lorraine au travail de Merce Cunningham ?

Non. Il est important de comprendre que si vous avez cette sensation c’est parce que c’était le centenaire de Merce Cunningham en 2019. Et puis, Thomas Caley avait travaillé avec Merce. C’était l’occasion de se consacrer à cette œuvre. Nous avons créé une pièce intitulée For Four Walls qui était une commande. Il s’agissait d’un regard sur la période post-Cunningham. Il est important dans l’histoire. Nous avons présenté deux différentes pièces de Cunningham ces dernières années. Il faut que le moment soit opportun pour interpréter l’une de ses œuvres.
Nous allons aussi revisiter une pièce de Trisha Brown. C’est la période adéquate. J’ai pensé qu’il pouvait être intéressant pour le public de voir Trisha Brown. Il est important d’observer différentes époques de danse, comme celle des années 1990.
Nous avons également commandé une création à Tatiana Julien, une jeune chorégraphe française.

Pourquoi faire rentrer la pièce de Trisha Brown Twelve Ton Rose au ballet de Lorraine ? De manière plus générale, que signifie faire rentrer une pièce au répertoire ?

La pièce est construite comme un patchwork avec des parties d’autres pièces de Trisha Brown. Cela donne un spectre de différentes œuvres mais dans une nouvelle œuvre. Cunningham a déjà procédé ainsi. Une musique live sera interprétée par un quintet. La conversation entre la danse et la musique est primordiale alors qu’il est très difficile aujourd’hui d’enregistrer avec un orchestre. Nous avons demandé à la fondation de Trisha Brown d’avoir les droits pour le faire. Une équipe des États-Unis est venue pour donner la technique aux danseurs. Elle a longuement travaillé avec eux, tout en leur donnant une compréhension de l’œuvre. C’est une pièce historique qui rentre dans le répertoire du ballet de Lorraine.
Elle a été créée en 1996.

 

La soirée est aussi composée d’une création de Tatiana Julien, Decay.

Tatiana Julien est une danseuse d’aujourd’hui. C’est une femme et j’ai toujours travaillé avec des chorégraphes femmes. La pièce de Tatiana Julien regroupe l’ensemble de la compagnie, soit vingt-six danseurs. Quant à la pièce de Trisha Brown, elle nécessite neuf danseurs même s’il y a deux distributions pour ce cas. Tout le monde a travaillé sur la chorégraphie.

Il s’agit aussi d’un plan B en cas de tests positifs au Covid !

Le plan B est permanent ! (rires !) Plus sérieusement. Le ballet de Lorraine travaille 99% du temps avec les créateurs d’aujourd’hui. Tout le monde ne l’a pas compris. Il y a eu une grande évolution depuis plus de vingt ans lors de la venue de Didier Deschamps. Le changement est notable entre la période où Pierre Lacotte dirigeait le ballet et aujourd’hui.

Tatiana Julien peut faire des spectacles avec des motifs empruntés à la pop. Les pièces peuvent être très chorales, très liées au temps présent, l’écologie par exemple.

Le sujet de Decay est la disparition. Tatiana Julien a beaucoup travaillé sur l’improvisation. Les danseurs sont venus avec plusieurs propositions. Ce que j’ai vu, c’est que tout le monde est toujours sur scène. Il est intéressant de voir ce groupe changer, évoluer le temps de la représentation. Elle a été très proche des danseurs durant tout ce parcours d’apprentissage.
Tatiana Julien a travaillé très vite et les danseurs ont beaucoup d’expérience. Ils essaient de comprendre rapidement. Comment va-t-on traiter ce sujet ? C’est comme avec le théâtre. Comment rendre à la pièce sa valeur ? Comment comprendre la parole d’un.e chorégraphe ?

Les ballets suédois vont fêter leur centenaire dans une pièce où vous partagez l’affiche avec d’autres : Dominique Brun, Latifa Laâbissi, Volmir Cordeiro et Thomas Caley mais vous êtes le seul Suédois de la bande ! (rires !). Pouvez-vous me raconter le déroulement des quelques jours où les ballets suédois vont être à la fête au ballet de Lorraine ?

Le titre n’est « Pas assez suédois ». C’est un clin d’œil à mes origines, mais pas seulement. Un jour, pendant une fashion week, j’avais entendu un amateur de mode dire d’une collection qu’elle “n’était pas assez africaine”. Cela m’a étonné, et je me suis amusé à me poser la question : qu’est-ce qu’être suédois ? Qu’est ce qu’être “assez suédois” ?
Quand j’ai étudié l’histoire des ballets suédois dans les années 1930, je me suis aperçu que les chorégraphes suédois avaient travaillé avec des collègues de multiples nationalités. Et je me suis demandé si la nationalité était si importante que cela. Au début du XXème siècle, les gens jouaient aussi beaucoup sur le terme de l’exotisme. Ils ont réalisé des productions avec les ballets russes ou français.

C’est pour cela que je fais des commandes mais il n’y a pas de reconstruction de pièce. Il n’y a que des inspirations.

Durant la soirée, il y aura quatre pièces dont une avec seulement des femmes comme interprètes. J’ai hâte de voir ce que cela va donner. On a avancé le travail sur chaque pièce. Lorsque Decay et Twelve Ton Rose seront terminées, nous allons nous y atteler complètement.

Je pense que la modernité a toujours des liens avec l’histoire. Chaque génération fait ses inventions mais il est intéressant de voir comment les chorégraphes utilisent ces liens, à travers le temps.

 

Informations pratiques

Decay et Twelve Ton Rose : 2, 3, 4 & 6 mars 2022 

Pas assez suédois : du 18 au 22 Mai 2022

Réservations et horaires :  Opéra national de Lorraine, Nancy 

Visuel : Portrait Petter Jacobsson (c) Dorian Cessa.jpg

Agenda culturel du week-end du 12 février
Embrasser l’instant à mesure qu’il s’effondre : “Ma, aida, …”, inclassable geste poétique
Avatar photo
Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration