Danse
Penthésilées, le triomphe des Amazones à Chaillot

Penthésilées, le triomphe des Amazones à Chaillot

04 April 2014 | PAR Christophe Candoni

La tragique et sublime héroïne de Kleist, irrésistiblement éprise de son ennemi, le grand héros Achille, qu’elle combat par amour jusque dans sa mise à mort sur le champ de bataille opposant les Grecs aux Troyens, se trouve démultipliée, pluralisée par Catherine Diverrès dans son dernier spectacle Penthésilées qui interroge la condition féminine en tout temps et met en scène une guerre des sexes non dénuée de séduction. Créé pour neuf interprètes, tous très bons danseurs et comédiens, ce ballet choral d’une étonnante et charnelle force est à découvrir au théâtre de Chaillot.

 

 

Dans le décor très esthétique d’un champ de bataille, tragique dans son dépouillement, délimité simplement par trois pans de murs et un sol recouvert d’une souple matière cendrée, les furieuses Amazones investissent le plateau comme elles entrent au combat. Elles se lancent dans une danse redoutablement physique, tout en tensions, en courses effrénées, en sauts et en chutes frénétiques. Au cours de duels au fleuret dont elles bandent la lame tranchante pour dessiner un arc tendu, les guerrières expriment leur folie meurtrière et désespérée soutenue jusqu’au supplice auditif par une bande-son assourdissante sur laquelle des voix hurlantes ne parviennent pas à se faire entendre dans des mégaphones.

Si dans la mythologie, le peuple des Amazones n’admet la présence d’hommes en son sein, ils sont bel et bien conviés sur le plateau et participent à un jeu d’apprivoisement et d’affrontement à la fois sensuel et combatif, violent, sauvage, presqu’animal. Dans une scène centrale, un acteur génial en simple slip rouge se fait bichonner par les tentatrices pleines d’attention à son égard pour finir leur captif dévoré. Alors que le spectacle traitait jusqu’ici de la dualité masculin / féminin, il propose une féminisation radicalement généralisée et voit les hommes porter des robes à fleurs et connaitre les douleurs de l’enfantement dans une forme et sur un ton néanmoins humoristiques que la chorégraphe pousse dans un final tout aussi déroutant que jubilatoire. Les communautés rivales trouvent alors un terrain d’entente dans un jeu complice et inventif, prétexte au travestissement et à de sacrés numéros d’acteurs qui se livrent à un défilé hilarant et sacrilège où les notions d’identité et de genre volent en éclat. C’est donc dans un carnaval joyeux et grinçant que se clôt de manière inattendue la noire tragédie de Penthésilée.

Visuel : © Caroline Ablain

Infos pratiques

Théatre Gérard Philipe
Comédie saint michel
theatre_national_de_chaillot

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