Danse
Olga de Soto – Une introduction

Olga de Soto – Une introduction

19 December 2011 | PAR Smaranda Olcese

Sur la scène du Centre Pompidou, Olga de Soto partage l’état d’avancement de ses recherches sur La Table Verte, ballet mythique de Kurt Jooss. Sa pièce, calquée sur le modèle d’une conférence, premier volet d’un diptyque qui devrait aboutir, en 2012, à une création, est le lieu d’une expérience à la fois fruste et enrichissante.

 

La chorégraphe d’origine espagnole, établie à Bruxelles, est reconnue pour ses projets de création intimement liés à de longs processus de recherche. Déjà en 2004 elle signait histoire(s), une vidéo-performance documentaire sur Le Jeune Homme et la Mort, ballet de Roland Petit sur un livret de Jean Cocteau. Sa dernière pièce emprunte une même démarche, Olga de Soto y est créditée pour le concept, la documentation, la caméra, le son, le texte et la présentation. Une introduction affirme cette même importance que l’artiste accorde au processus créatif, au cheminement dramaturgique et à l’œuvre achevée, prévue pour l’année prochaine.

Le choix de la pièce de référence est d’une importance décisive, de par le contexte historique de sa création – 1932, quelques mois avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, dans une période déjà fortement marquée par la montée du fascisme – et de par sa prodigieuse carrière – La Table Verte a connu au fil du temps plus de quatre-vingts productions sur les différents continents. Olga de Soto se livre à une approche socio-anthropologique de l’œuvre. Ses qualités esthétiques sont reléguées en arrière fond. Pour les spectateurs qui ne lui sont pas familiers, elle prend corps à tâtons, par à coups, au gré des bribes de description et des évocations des témoins de la première heure, danseurs ou spectateurs. Des photographies de l’époque et des extraits filmés viennent compléter un portrait volontairement lacunaire. Tiraillée entre ces différents médiums, portée essentiellement par la parole, qu’elle soit celle directe de la chorégraphe ou celle enregistrée des intervenants, l’œuvre gardera quelque chose de désincarné et de flottant, oscillant entre son premier montage au théâtre des Champs Elysées et ses diverses productions à travers le monde, entre l’interprétation initiale avec Kurt Jooss, son créateur, dansant la Mort et ses nombreux avatars. Vague, dépeinte dans la multitude de ses mises en scène, son emprise est d’autant plus poignante qu’elle se niche dans l’esprit des sectateurs et entre, d’une manière inquiétante, en résonance avec des états des faits des temps présents. Par son biais, la chorégraphe met en perspective ses questionnements liés aux traces, à la mémoire, à la perception critique, à l’interprétation.

L’histoire universelle et l’histoire de l’œuvre s’entretissent dans les témoignages et dans les processus de transmission qu’Olga de Soto documente minutieusement, tout en préservant un certain suspense et des rebondissements dignes d’un roman d’aventures. Sous les apparences d’une conférence, la performeuse construit intelligemment sa position d’auteur – des déictiques et des adresses directes au public marquent son implication –  et soigne la mise en scène. Une lumière froide tombe du plafond, écrasante, laisse des ombres dures sur son visage et dessine sur le plateau un décor minimaliste. Un gros caillou trône sur la table de la conférencière, l’assiste silencieux dans ses développements, enferme jalousement son mystère. Il sera dévoilé seulement la fin de la pièce dans les propos d’une ancienne interprète de La Table Verte : ce caillou, c’est la Mort ! ainsi l’avait imaginé Kurt Jooss, opaque, lourd et inexorable. Revenant sur les multiples reprises de la pièce, parfois dans des moments charnières, comme au Chili avant la sauvage dictature de Pinochet ou aux Etats Unis pendant la guerre de Vietnam, sa voix porte un message sombre : rien n’a changéit ends in a very negative way, but the reality never proved the opposite …

Il y va d’une prise de conscience et à travers les photographies qu’Olga de Soto donne en partage, des petits formats, tirages en noir et blanc, portraits des danseurs, images de danse dans des jardins ou sur des scènes, portraits surtout d’une troupe contrainte à l’exil, solidaire sur les quais des différentes gares à travers le monde, chaque spectateur tient entre ses mains, emporte un bout d’histoire.

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Smaranda Olcese

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