“Nulle part est un endroit”, Nach, bien à sa place aux Hivernales
Sur le champ de bataille qui oppose depuis un an, l’Etat au Monde de la culture gisent les Hivernales, le festival de danse du Centre de Développement Chorégraphique National, énième victime, qui aurait dû avoir lieu à Avignon du 10 au 27 février, à la place, quelques rares représentations professionnelles sont proposées, l’occasion de voir progresser la talentueuse Nach.
Nach est une danseuse hors norme. Elle vient du monde du Krump et cela lui colle à la peau. Alors, entre son premier spectacle Cellule, en 2017, énorme choc où nous la rencontrions pour la première fois, 100% enragée et aujourd’hui où elle présente Nulle part est un endroit, elle s’est cherchée et elle se cherche encore. La différence est énorme : elle le sait désormais et accepte de chercher toute sa vie. Cela lui fait passer un cap et lui permet d’être plus que jamais elle-même.
Elle a déjà un parcours fou qui l’a faite passer du “cercle” des “krumpers” à la villa Kujoyama. Et cela s’est fait à haute vitesse. Un peu trop vite finalement. Avec ce nouveau seule en scène, pour la première fois, elle parle. Elle nous raconte, en mots, en vidéos et bien sûr en danse son parcours et les moments clés qui l’ont faite avancer à commencer par la première pierre : Rise de David La Chapelle.
Elle est en jean taille haute, grosses baskets, chaussettes vertes et justaucorps à bretelles gris. Son costume est en soi un acte sur sa question finalement fondamentale : la féminité. Elle dit avoir quitté la “communauté” pour assumer plus de “sensualité”. Le krump c’est avant tout une danse de garçons mais qui n’est pas fermée aux filles. Mais les filles qui y dansent ne cherchent ni courbes ni rondeurs. L’affaire est violente, les pieds attaquent le sol dans le “stomp”, les mains boxent, le torse se soulève en “chest pop”.
Ce que la performance, très personnelle nous fait entendre, c’est la notion belle de mémoire chorégraphique. Pour Nach tout part du Krump et tout y revient : la beauté qui sublime la douleur du Duende, la rage intime du Butô et l’attitude de la danse baroque.
Nach s’assume comme danseuse non pas de Krump mais comme danseuse tout court. Sa physicalité et ses capacités de voyage entre les mondes lui ouvrent désormais toutes les portes possibles. L’artiste associée aux Hivernales possède dans son corps une “élévation du royaume par le puissant éloge”, et cela se fait désormais au plateau.
Visuel : ©Adrien Joseph
Vu le 18 février 2021 au CDCN Les Hivernales à Avignon, en huis-clos professionnel. Et voici ce que cette superbe édition aurait dû être.