
Marie Chouinard, une rétrospective délirante au Théâtre de la ville
Jusqu’au 12 mai, l’iconique chorégraphe québécoise présente Radicale vitalité, soit 18 mini-spectacles mis bout à bout. Délicieux, hilarant et très technique !
Voici 40 ans peu ou prou que Marie Chouinard fréquente les plateaux. Comme danseuse d’abord puis, depuis 1990, comme directrice de sa compagnie éponyme. Cette pièce, Radicale Vitalité, a été créée à la Biennale de la danse de Venise en 2018. Il s’agit d’une leçon de style. Une plongée d’une bonne heure dans le geste et les obsessions de cette chorégraphe lumineuse. Chez elle, le cri est corps, et le corps est un rythme. L’humain ne vaut que par les émotions qui le traversent et le transfigurent en une seconde.
Chez Marie Chouinard on passe du rire aux larmes, on déborde l’autre indifférent ou presque de bisous, on tente la mort du cygne, on jouit de concert… Radicale Vitalité se compose donc de 18 séquences, dont la plus longue, celle d’ouverture, dure 13 minutes et 22 secondes. Tous les temps sont inscrits sur la feuille de salle comme dans une playlist. Il n’est pas question de la jouer sur le mode aléatoire, mais bien de suivre le fil qu’elle nous propose.
C’est l’immense Carol Prieur qui ouvre ce drôle de bal. Son solo, “Derniers moments” date de 2001. Dans un souffle intense et dans des ouvertures de bras qui lui donnent l’impression de nager, elle impressionne par une succession de tableaux aux mouvements répétitifs, tous ancrés dans nos imaginaires populaires. Un western, un ballet. Carole Prieur explose le rythme, elle tombe juste toujours et semble diriger le son avec les angles de son corps. Ensuite, les 17 pièces qui s’offrent à nous sont toutes beaucoup plus brèves. Vraiment comme des clips, d’ailleurs toutes ou presque durent le temps exact d’une chanson à la radio : 2 minutes et des poussières.
Ces tableaux sont issus de pièces écrites entre 1999 et aujourd’hui. Certaines sont neuves. 23 ans de travail donc, résumés en un shoot de danse. On rit beaucoup, mais beaucoup, dans ce stand-up chorégraphique. “Le grelot royal” , les “Attaques d’amour”, les “Puits d’extases”, le “duo rires-pleurs”, le “Passage des dames”… les titres sont littéralement mis en mouvements et en sons.
Les interprètes (Michael Baboolal, Adrian w.s. Batt, Jossua Collin Dufour, Paige Culley, Rose Gagnol, Valeria Galluccio, Motrya Kozbur, Luigi Luna, Carol Prieur, Celeste Robbins et Clementine Schindler) sont éblouissant.e.s de talent et de technique. Les grands écarts, les pointes, les cambrures, les dos larges, les pliés… tout cela est avalé pour être décalé. L’objectif n’est pas la technique, pas le beau geste. L’objectif est notre réaction.
A voir en urgence.
Jusqu’au 12 mai, Espace Cardin.
Visuel ©Sylvie Anne Pere