Danse
Maqoma déploie son puissant Boléro en ouverture du Festival de Marseille

Maqoma déploie son puissant Boléro en ouverture du Festival de Marseille

15 June 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

La star sud-africaine faisait hier l’ouverture de l’exigeant festival dirigé par Jan Goossens avec Cion : le requiem du Boléro de Ravel, une pièce presque théâtrale sur les dérives du pouvoir. 

Dans un décor presque d’opéra, le sol est parsemé de croix. Nous sommes dans un cimetière chrétien. Une voix déchire la nuit de ses larmes, bientôt rejointe par le tambour qui scande les notes du Boléro puis par d’autres voix, celles de Thabang Mkhwanazi, Sbusiso Shozi, Simphiwe Bonongo et Xolisile Bongwana qui, pendant 70 minutes chanteront sans discontinuer les douleurs et les combats qui accompagnent toutes les luttes, millénaires.  

Otto Andile Nhlapo, Roseline Wilkens, Thabang Mojapelo, Smangaliso Ngwenya, Katleho Lekhula, Itumeleng Tsoeu, Lungile Mahlangu, Ernest Balene, Nathan Botha sont le peuple. Celui qui se soulève, celui qui fait et défait un roi. Le texte surgit, violent : « Bienvenue dans notre oppression, notre oppression qui rend joyeux, qui réveille les corrompus, dans l’état où nous sommes, le voyage des morts-vivants, et la mort du corps, la mort, la mort dans sa totalité, totalement et la pourriture de la chair ». C’est l’un des chanteurs qui parle, dans une langue que l’on ne comprend pas. Ce que l’on comprend en revanche, c’est la colère, transmise par la tonalité et la posture, féroce, engagée.

La danse de la Vuyani Dance Company est puissante et généreuse. Les ensembles offrent des pulsations comme des cris dans une marche incessante, sur place, qui semble traverser l’Afrique. Cette marche est le port d’attache du spectacle, l’endroit où l’on revient, comme les notes mythiques de Ravel. Ces deux axes sont la tension entre l’Europe et l’Afrique. L’exil et la colonisation se présentent à nous dans ces gestes, comme deux combattants en duel. Les excellents danseurs, issus de générations et corporalités différentes forment une homogénéité souvent support à des solos aux teintes hip-hop où le corps est saccadé, criblé d’histoires. Les marches se font de dos ou de face offrant des agilités de hanches bluffantes.

Les allégories sont nombreuses dans ce spectacle à la forme très classique, où s’enchaînent des tableaux. L’esclavage, la dictature, l’oppression des noirs… tout est symbolisé par une danse vorace qui laisse parfois les hauts des corps se mettre en mouvement sur des appuis vissés au sol. Les torses prolongés par les bras ondulent dans une référence physique au thème du Boléro. 

Ce Boléro, monument de la culture française est ici réinterprété pour être enterré comme le suggère le titre de la pièce. Et pourtant, la fusion des mondes est bien là. Si les centres de gravité se font bas et si les pas viennent chercher des références aux danses africaines traditionnelles,  un tableau 100 % américain vient tout troubler. Maqoma ose une vraie scène de comédie musicale avec claquettes et chapeaux… Que veut dire le chorégraphe ? Si le Boléro est mort, il a peut être été remplacé par la pop culture alors ?  Mais ça, c’est un autre combat !

La pièce a été accueillie en triomphe hier, elle se donne encore aujourd’hui et demain à la Criée.

Le festival de Marseille continue jusqu’au 6 juillet avec une programmation très pointue. A ne pas rater, notamment, la recréation de 20 danseurs pour le vingtième siècle de Boris Charmatz au Mucem.

Visuel : ©Siphosihle Mkhwanazi

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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