Danse
Loïc Touzé nous donne La chance d’accéder à la création

Loïc Touzé nous donne La chance d’accéder à la création

07 December 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Loïc Touzé ne débute pas. Il fut artiste associé à la Ferme du Buisson, il fut aussi le co-directeur des Laboratoires d’Aubervilliers. Disons qu’il se trouve là où la création chorégraphique se fait. C’est naturellement dans le plus expérimental des festivals, nommons le, Les inaccoutumés, à la Ménagerie de Verre qu’il présente son dernier spectacle, “La chance”.

La chance est une proposition maligne, par moment prétentieuse mais qui opère au fur et à mesure que le spectacle avance. Face public, six interprètes se tiennent la main. Comme pour un salut. Ils ne font qu’un, une seule chaîne. Ils vont balancer des mots sans aucun autre fil que celui d’être ensemble : “la pomme”, “la danse”, “le truc”, “le chemin”, “le désir”, “la météo”. Ne cherchez pas, aucun lien ! Ils se séparent, et recommencent en changeant de ton, tous les mots sont dits avec la même intonation. Ils sont vidés de leur sens. Deviennent de drôles de jouets.  Puis ils s’arrêtent, disparaissent, pour réapparaître un par un et se mettre à danser, yeux clos d’abord, sans chercher le rythme.

Ils évoluent dans un décor de velours. L’espace de la ménagerie est restreint, se rétrécissant jusqu’à la perte. Lui qui  d’habitude est utilisé brut et ici recouvert de rideaux noirs, du sol au plafond… Eux portent des jeans milleraies. Tout est feutré. La lumière semble faiblir comme s’ ils entraient dans une caverne créant une illusion d’optique de flux et de reflux hypnotique.

Cet arrière-plan agit comme une machine lance-balle, renvoyant les danseurs en avant-scène. Au fur et à mesure, ils entrent plus lentement, plus nombreux, et se mettent à fouiller le geste qui sera le plus en accord avec leur volonté.

Loïc Touzé parcoure tous les fils qui permettent de venir chercher en soi et à l’extérieur de soi le mouvement. Cela peut être une chanson ultra figurative ” it’s cold outside” de Ray Charles et Betty Carter qui font s’ouvrir les yeux et les rendre rieurs, cela peut être la voix de Maria Callas qui vient les faire regarder au plus profond d’eux-mêmes.

Loïc Touzé raconte  “Pour approcher ces états de danse nous avons pratiqué l’hypnose et la télépathie”. On sent de la folie et de la rigueur dans ce travail, où chaque intervention surprend. Les gestes sont lents, beaux, extrêmement ancrés dans le sol venant explorer des bases dans le classique, arabesques à l’appui, ou dans le yoga pour des postures alignées. Dans ce spectacle le symbole de la fuite orchestrée par les panneaux du décor se matérialise par l’allégorie du processus de création. On les voit chercher pour tout à la fin, représenter.

Esthétiquement puissant, intellectuellement questionnant, La chance fait figure de proposition expérimentale tout à fait pertinente, à condition d’accepter les règles du jeu posées : entrer dans l’esprit même de la création.

Visuel (c) Autorisation Myra

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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