Danse
L’Oceano nox de Koki Nakano à la Maison de la culture du Japon à Paris

L’Oceano nox de Koki Nakano à la Maison de la culture du Japon à Paris

28 January 2023 | PAR Nicolas Villodre

Sous le titre Oceanic Feeling qui est, comme par hasard, celui du dernier CD du pianiste, et le sous-titre Koki Nakano invite Nicolas Huchard, la Maison de la culture du Japon à Paris nous a offert un concert inédit avec, en bonus, un solo enlevé de danse contemporaine et/ou de ballroom.

Debussisme

Toutes les conditions étaient réunies pour profiter pleinement de la soirée où nous avait convié Aya Soejima. D’abord, la magnifique salle boisée du 3e sous-sol, où nous avons, depuis nombre de saisons maintenant, découvert de belles choses en provenance directe du pays du soleil levant. La sono réglée aux petits oignons. Le public venu en nombre, presque en surnombre, pour assister à l’événement. L’instrument d’exception attendant son exécutant, un W. Hoffmann à queue flambant neuf mis à disposition par la maison C. Bechstein. D’où vient alors cette légère pointe de dépit que nous n’avons d’ailleurs pas été les seuls à ressentir, les applaudissements du public ayant été tout juste polis?

Il y a la question du répertoire qui, pour les Japonais, peut certes encore le faire, leur paraître exotique comme ce fut le cas du japonisme, il y a plus d’un siècle, pour les plus grands artistes français – des peintres impressionnistes comme Monet, des sculpteurs tels que Rodin, des compositeurs à l’instar de Debussy. Mais qui à Paris paraît un peu daté. Et que nous avons entendu excellemment interprété par ailleurs, en solo – de manière virtuose, par un Alexandre Tharaud – ou dans le contexte de la danse – on pense à l’apport d’Aurélien Richard dans A Taste of Ted (2018) de Pizon et Brabant. Le show de Koki Nakano, du coup, nous a paru lisse, quoique parfois joué bruyamment, “conceptuel”, au sens faible du mot, mi-fugue mi-raison, trop joli pour être vrai avec ses effets minimalisants, son ornementation électro.

Vogue du voguing

Heureusement, lorsqu’est apparue la danse, le show a changé du tout au tout. Il est devenu plus âpre, plus intense, plus prenant. Le piano de Nakano a alors sonné jazzy. Le compositeur s’est changé en pur interprète et en improvisateur de talent. Il s’est mis à swinguer. Ses phrases tombaient juste, surgissant aux moments opportuns. En somme, il a lancé un défi musical au danseur Nicolas Huchard. Ce dernier s’est échauffé depuis la salle, côté cour, faisant du surplace, mettant en valeur son port de bras. Convié sur scène, il a semblé effrayé par le piano entr’ouvert, tout cordage dehors. Puis, progressivement, il s’est autorisé à passer au premier plan. Sans chercher à voler la vedette au pianiste.

Selon nous, Nicolas Huchard renouvelle à sa manière le voguing, une expression artistique qui, comme le disco ne cesse de faire retour ou, comme on dit en français, revival ou come-back. Son style est elliptique; il nie pour partie le réflexe serpentant, ondoyant, tortueux, optant pour des saccades, des sautillements, des déplacements latéraux ; il ne vise pas l’épate; il économise ses forces; il en garde en réserve et, de ce fait, produit des exploits ou des enchaînements surprenants. L’entente ayant été scellée, le pianiste a eu le dernier mot, les dernières notes et, y compris un rappel.

Visuel : Koki Nakano et Nicolas Huchard © Nicolas Villodre 

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