Les solitudes baroques de Mossoux et Bonté ouvrent Faits d’hiver
Le 25e festival de danse Faits d’hiver s’est ouvert hier soir, non pas dans sa maison mère Micadanses mais au Théâtre de la Cité Internationale. Au programme : Les Arrière-Mondes de la cie Mossoux-Bonté, un spectacle où il vaut mieux la jouer chacun pour soi.
La première image est à couper le souffle, elle vaut pour tout le spectacle. Dorian Chavez, Taylor Lecocq, Colline Libon, Lenka Luptakova, Frauke Mariën et Shantala Pèpe apparaissent chacun dans une ligne. Un podium, un couloir, un tiroir, voyez-y ce que vous voulez ! Ils et elles sont des cadavres baroques perruqués et dotés pour certains de grandes robes presque à crinoline. Le mouvement apparaît lui aussi, il commence par être minuscule. Il est un souffle qui s’empare d’un abdomen, une hanche qui balance de gauche à droite, un autre qui relâche, comme chez Martha Graham pour soulager tout le corps.
Les collapses et les à-coups sont nombreux dans cette recherche d’images freak que l’on retrouve beaucoup en ce moment chez Tania Carvalho ou Nina Santes. Oui, danse et fantastique font bon ménage. Ceux qui sont familiers du travail de la compagnie Mossoux-Bonté ne seront pas étonnés de retrouver une recherche sur l’étrangeté du corps et sa déformation, ici mobilisée avec une grande maestria. Un insidieux malaise s’infiltre au fil des tableaux, à mesure que des images dérangeantes viennent fracturer la normalité des corps : jumeaux hydrocéphales, membres surnuméraires et poses désarticulées. Les créateurs évoquent l’iconographie de Jérôme Bosch, mais on y verrait aussi bien des échos de films d’horreur comme Shining.
La mise en lumière est formidablement maîtrisée, et, combinée au travail sur les costumes et les perruques, compose des tableaux précisément ciselés. Dans une dominante de tons froids faisant penser à une morgue – les Arrière-Mondes ne sont pas de l’univers des vivants – la pâleur fantomatique des corps aide à les déréaliser. C’est d’autant plus troublant que les mouvements des danseurs et danseuses sont parfois empreints d’une certaine sensualité : cette combinaison paradoxale contribue à instiller un état de trouble dont l’endroit serait bien difficile à préciser.
Malheureusement, le spectacle s’épuise sur sa durée et le duo semble perdre son fil conducteur. Alors que nous nous sentions en sécurité dans ce Bal des Vampires 2023, la pièce devient un spectacle de danse qui souffre de rebonds bien trop classiques. Une ligne qui s’accidente avant de se retrouver par exemple. Au regard de la folle inventivité visuelle du début du spectacle, sa chute nous semble manquer de consistance et de saveur.
Amélie Blaustein-Niddam et Mathieu Dochtermann
Prochaines dates de ce spectacle en France : le 8 mars 2023 au Théâtre des Quatre Saisons (Gradignan) et le 7 juillet 2023 au Festival Mimos à Périgueux.
GENERIQUE
Conception Patrick Bonté
Mise en scène et chorégraphie Patrick Bonté et Nicole Mossoux
Interprétation et collaboration artistique Dorian Chavez, Taylor Lecocq, Colline Libon, Lenka Luptakova, Frauke Mariën et Shantala Pèpe
Interprétation en alternance Quentin Chaveriat et Flora Gaudin
Musique originale Thomas Turine
Scénographie Simon Siegmann
Costumes Jackye Fauconnier
Masques, coiffes et maquillages Rebecca Flores-Martinez
Assistée par Marie Messien, Isis Hauben, Sandra Marinelli et Jean Coers
Lumière Patrick Bonté
Direction technique Jean-Jacques Deneumoustier
Réalisation des costumes avec l’aide de Cécile Corso, Anicia Echeverria et Muazzez Aydemir
Régie son Fred Miclet
Régie lumière et assistanat Baptiste Leclère
Photo : © Julien Lambert