Danse
Le cercle collectif de Myriam Gourfink face à l’apocalypse

Le cercle collectif de Myriam Gourfink face à l’apocalypse

15 September 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

À l’invitation du Festival d’Automne, de l’Atelier de Paris-CDC, des Monuments Nationaux et avec le soutien de Dance Reflections (le programme de mécénat de la danse contemporaine de Van Cleef and Arpels), celle qui a arrêté de faire rimer mouvement avec frénésie s’empare de la Sainte-Chapelle du Château de Vincennes pour un corps à corps multiple et apaisant.

Face à la fin

Les spectacles de Myriam Gourfink se composent toujours des deux axes qui donnent son titre à la pièce : Structure Souffle. Et la structure, dans ce lieu qui par définition coupe le souffle, ce n’est pas rien ! La Sainte Chapelle est époustouflante, elle vient d’être restaurée, elle écrase. Au niveau de la Nef, se trouve les vitraux de l’apocalypse qui nous montrent des corps déchus, en combats, tombants. À lire ces trois mots, on imagine plutôt les univers de Charmatz, Dave Saint-Pierre ou Wandekeybus, tout trois chorégraphes de la violence. La violence c’est justement le mot qui définit à l’envers Myriam Gourfink. Sa danse et sa pratique qui puise dans les respirations et les postures du yoga sont l’antithèse de la violence.

Et pourtant, quand Alexandra Damasse, Céline Debyser, Karima El Amrani, Carole Garriga, Deborah Lary, Azusa Takeuchi, Véronique Weil et Annabelle Rosenow arrivent de partout et qu’elles se mettent au centre, entourées par le public élu, seulement 70 personnes, elles imposent leur force tranquille.

La lenteur, arme contre le drame

En interview, Myriam Gourfink nous disait : “Aujourd’hui, dans mon travail artistique, je me positionne sciemment du côté de la lenteur, car cela me permet avant toute chose de proposer un traitement du temps radicalement différent. Être comme à l’intérieur du temps implique un changement de paradigme : ça n’est pas avancer, ça n’est pas aller de l’avant, s’est s’élever, c’est prendre le temps de savourer chaque morceau de vie, pour ne pas nuire, ne pas alimenter le stress ou la déperdition d’énergie.”

Et face à un tel lieu et de telles images, c’est cela qu’il faut faire : éviter la déperdition. Alors, leurs corps réunis, leurs torsions et leurs postures sont la réincarnation calme et puissante des vitraux.

Ensemble, c’est mieux

Comme dans Gris (2016), ou Amas (2015), l’espace de la danse est restreint. Peut-être 3 mètres sur 3 tout au plus. Les huit danseuses ont toutes des corpulences différentes. Cela permet des images comme architecturales ou picturales. La danse de Matisse est là comme un arrêt sur image. À la différence de ses pièces précédentes, cela est peut être lié à l’épidémie, la chorégraphe avance d’un grand pas vers un nouveau geste : le toucher. Dans une allégorie de la bonne distance, celle d’un mètre qui nous protège, les danseuses sont connectées à longueur de bras, de coude, de tête. Chaque élément du corps va se nicher dans un autre et l’ensemble devient comme un mikado chorégraphique. Si l’une lâche, même si tout se passe au ralenti, la chute est assurée, comme celle des anges. 

Et ces anges-là sont accompagnées par l’un des maîtres de la musique electro-acoustique Kasper T. Toeplitz. Pour la chapelle, et particulièrement, hier, quand la pluie dehors s’en mêlait, il a pensé une partition sombre, vrombissante et parfois angoissante. Mais elles s’en sortent, ne cèdent pas à la panique.

Comme toujours, il y a cette magie chez Gourfink. La pièce opère comme une méditation, impose un regard et une écoute flottante. Ce qui fait que si on s’échappe quelques secondes, quand on “revient”, les corps ont bougé, le groupe s’est retourné, alors que le mouvement est microscopique, presque imperceptible. Autre folie, la sensation que parfois les danseuses sont portées par d’autres, alors que jamais elles ne quittent le sol….

Quand le parcours du geste s’arrête, les danseuses retrouvent leur verticalité avant de repartir en marchant, à rythme normal, ce qui semble extrêmement accéléré ! C’est un moment essentiel, car il permet de comprendre la douceur de travail. Danser au ralenti pendant une heure, c’est très difficile, cela va amener des tremblements et des déséquilibres. Pour éviter cela, Gourfink se sert du souffle pour élargir les mouvements et donner aux danseuses la paix et la stabilité nécessaire à tenir.

Jusqu’au 16 septembre à la Sainte Chapelle du Château de Vincennes. Entrée par la porte principale du château en face du 18 avenue de Paris. Métro ligne 1, arrêt Château de Vincennes, sortie Château de Vincennes. Attention les données google et city mapper sont erronées, ne les suivez pas.

Visuel : © Mina Tanière

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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