
“Landfall”, un art de la dislocation
Lieu “culturel, philosophique et festif”, le Pavillon de Romainville accueillait aujourd’hui, dans le cadre du festival Faits d’hiver, Landfall, création de la chorégraphe Erika Zueneli.
Entre immobilité et mouvement
Le “landfall”, c’est ce moment désarçonnant où l’on atterrit après un vol en avion. Cette impression de déséquilibre liée au retour au sol est au cœur des recherches du spectacle Landfall.
Pour faire éprouver au public ce sentiment désarmant, la chorégraphe a réuni sur le plateau dix danseurs et danseuses. Ensemble et séparément, iels dessinent des tableaux qui défilent à toute allure, en constante reconfiguration. Au son d’un gong, une danseuse ou un danseur quitte sa posture pour courir derrière une toile blanche et recomposer ce tableau à l’infini.
Cette dialectique entre l’immobilité et le mouvement que figure le déséquilibre fait également l’objet d’un traitement comique et malicieux. Ainsi en est-il de l’usage des voix, qui entament comme malgré elles des logorrhées maladroites.
Un art de la dislocation
Cette impression de mouvement involontaire est au cœur de la deuxième partie du spectacle, qui voit le rythme s’accélérer. Ce changement a pour corollaire un sentiment de dislocation, les artistes semblant régi.e.s par des membres qui leur échappent, gouvernés seulement par une musique qui a alors partie liée avec celle du joueur de flûte de Hamelin. La saccade, omniprésente dans cette deuxième partie, fait figure de métaphore de cette désarticulation.
La dislocation régit également le groupe, qui passe sans solution de continuité du solo à la pièce chorale. Il s’agirait alors précisément de se demander comment “faire groupe” quand on est ainsi disloqué. A la manière d’un atome, la troupe voit toujours l’un ou l’une faire bande à part, tel un électron libre. Cette sempiternelle recherche d’un ailleurs participe de cette sensation de déséquilibre, de point nodal où tout semble encore pouvoir se jouer. Il en ressort une joyeuse impression de liberté, qui déteint sur le public.
Conception et chorégraphie : Erika Zueneli
Collaboration, regard scénographique : Olivier Renouf
Interprétation : Alice Bisotto, Benjamin Gisaro, Caterina Campo, Charly Simon, Clément Corrillon, Elisa Wéry, Felix Rapela, Louis Affergan, Lola Cires, Matteo Renouf
Dramaturgie : Olivier Hespel
Regard extérieur : Julie Bougard
Assistant projet : Louise De Bastier, Corentin Stevens
Création sonore : Thomas Turine
Création lumières : Laurence Halloy
Costumes : Silvia Hasenclever
Administration, production, diffusion : des Organismes vivants & Ta-dah!/Asbl
© Dominique Libert