Danse
“La Dame aux camélias”, ballet néoclassique par excellence à l’opéra Garnier

“La Dame aux camélias”, ballet néoclassique par excellence à l’opéra Garnier

27 September 2013 | PAR Géraldine Bretault

L’opéra Garnier entame sa saison de ballets avec La Dame aux Camélias, créé en 1978 par John Neumeier et entré au répertoire en 2006. Soit la transposition sur scène des tourments de Dumas fils sur la musique romantique de Chopin.

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La Dame aux Camélias est l’œuvre la plus connue de Dumas fils, et sans conteste le ballet le plus admiré de Neumeier. Entre les deux, le choix ardu de la musique de Chopin, pour raconter une histoire profondément ancrée dans le premier tiers du XIXe siècle. Une époque où les hommes souffraient du “mal du siècle”, incapables d’atteindre la félicité amoureuse devant le libertinage assumé de leurs compagnes.

Un prologue mimé permet à Neumeier de planter le cadre historique, et de mettre en route l’élément moderne de cette pièce néoclassique : la passionnante mise en abyme suscitée par la représentation du drame de Manon Lescaut, à laquelle assistent tous les protagonistes du ballet, laquelle s’inscrit elle-même dans un vaste flash-back. Grâce à un savant montage, Marguerite et son jeune amant Armand Duval vont pouvoir s’identifier avec Manon et Des Grieux, jusqu’à entremêler leurs destins en songe.

Quand Armand Duval rencontre Marguerite, c’est une femme déjà usée par le temps et la syphilis, aux mœurs légères. Pourtant, elle se laissera emporter par la fougue et l’insistance du jeune homme. Si Karl Paquette ne nous a pas toujours convaincus par sa présence dans les premiers actes, sa prestance et son assurance dans les sublimes portés du troisième acte ont magnifié son duo avec une Isabelle Ciaravola, elle au faîte de son talent.

Tragédienne inspirée, elle incarne une Marguerite profonde, tourmentée, corsetée dans son destin mais résolue à se sacrifier pour ce qu’elle imagine être le bien de son jeune amant. Affichant une grande maîtrise de son interprétation de bout en bout, au risque d’éclipser ses consœurs (Eve Grinsztajn se défend avec superbe dans le rôle d’Olympia), Ciaravola livre des moments profondément émouvants, comme ce pas de deux avec son beau-père, dans une vaine tentative de séduction pour le convaincre de la sincérité de son amour pour son fils. La danseuse étoile à l’en-dehors surréel semble même implorer son partenaire du bout des chevilles.

La silhouette menue de Myriam Ould-Braham servait ce soir sa Manon, mutine et mystérieuse à souhait, double égaré de l’héroïne. Loin d’être seule sur scène, il faut citer les beaux tableaux d’ensemble, et la munificence des costumes, qui contribuent à colorer l’atmosphère, de la partie de campagne impressionniste aux Champs-Elysées façon Paul Delvaux….

Et pour porter cette incarnation moderne de la nostalgie amoureuse, quel autre compositeur que Chopin… La Dame aux Camélias se double d’une véritable ode au musicien des tourments de l’âme. Le piano est souvent seul, parfois concertant avec l’orchestre, et il faut saluer la prestation de Frédéric Vaysse-Knitter dans la fosse, au jeu d’une subtilité précieuse.

Lorsqu’Isabelle Ciaravola, livide, quitte définitivement Armand, vêtue d’un lourd manteau de velours noir, l’on se dit qu’il ne faudra pas manquer son dernier rôle avant son départ à la retraite : elle fera ses adieux en mars prochain, dans l’Onéguine de Cranko.

 

 

Visuels : Julien Benhamou / Opéra national de Paris

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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