Danse
Festival <em>Instances</em> à Chalon-sur-Saône : pleins feux sur l’Afrique du Sud

Festival Instances à Chalon-sur-Saône : pleins feux sur l’Afrique du Sud

26 November 2012 | PAR Géraldine Bretault

Pour sa dixième édition, le festival de danse Instances réunissait à l’Espace des arts de Chalon des chorégraphes africains et français. Au menu ce soir, une rencontre avec  Désiré Davids et Nelisiwe Xaba, puis la représentation de Beautiful Me de Gregory Maqoma, et du solo Chamber Dance d’Alban Richard.

 Rencontre avec Désiré Davids et Nelisiwe Xaba

Contrastant avec la brume qui enveloppait Chalon-sur-Saône en cette morne journée de novembre, une chaleur inattendue nous attendait dans la rotonde de l’Espace des arts. Jacques Blanc, ancien directeur du Quartz à Brest, animait cette rencontre en fin connaisseur de la scène chorégraphique africaine. Les propos de Désiré Davids et Nelisiwe Xaba permettent d’appréhender quelques réalités propres à l’Afrique du Sud : la primauté du ballet classique dans l’imaginaire collectif et dans les écoles de danse, d’une part, omniprésent dans les programmes diffusés à la télévision, mais aussi la situation difficile des coloreds (personnes issues de populations blanches et noires mélangées), à la fois favorisés par rapport aux Noirs sous le régime de l’Apartheid, mais toujours moins considérés que les Blancs.

Nelisiwe Xaba estime pour sa part qu’il est presque impossible, en tant que chorégraphe originaire d’Afrique du Sud, de présenter son travail sur un autre continent en échappant au prisme pernicieux de l’exotisme. Jacques Blanc a tenu à rappeler que les chorégraphes invités, toutes origines confondues, le devaient avant tout à la force de leurs créations, y compris lorsque le contenu de leurs pièces se révèle indissociable du contexte de leur production.

Beautiful Me, Gregory Maqoma

Quel plus beau prolongement à cette discussion que le solo Beautiful Me de Gregory Maqoma. Accompagné de quatre musiciens, le danseur-chorégraphe s’avance seul sur scène, vêtu d’une tunique rouge, et vient se placer dans la lumière, sous le faisceau du projecteur. Pendant une heure, porté par le son d’instruments occidentaux et traditionnels (violon, violoncelle, percussions kora), il va interpréter ce qui pourrait être décrit comme un autoportrait dansé.

La danse de Gregory Maqoma, puissante et directe, repose à la fois sur la prépondérance de l’axe vertical et le rayonnement des membres, encore divisé entre un jeu de jambes martelé et piétiné, et des bras souvent ouverts incantatoires. Au sol, il trace des circonvolutions et des arabesques de plus en plus serrées, qui viennent se superposer au dialogue avec les figures convoquées.

Car quand il ne danse pas, Gregory Maqoma nous livre plusieurs anecdotes personnelles, en Xhosa lorsqu’il s’adresse à son père, ou en anglais, lorsqu’il interpelle les trois chorégraphes qui ont contribué à la création de la pièce, personnifiés chacun par un micro sur pied. Où l’on comprend à travers les bribes de conversations rapportées par Maqoma que Faustin Linyekula (originaire du Congo), Vincent Mantsoe et Akram Kham (originaire du Bangladesh) partagent avec lui les mêmes questionnements quant à leur identité multiple.

Lorsque l’on a rêvé gamin en dansant le moonwalk de Michael Jackson dans les townships de Soweto, comment vit-on avec le poids de l’histoire ? Semblant se livrer à des incantations, le chorégraphe scande les noms des dictateurs qui ont dirigé des pays d’Afrique pendant de longues années. Comment s’en débarrasser, pour mieux les oublier ? Impossible, malheureusement : quelle identité revendiquer lorsque qu’on a fait table rase du passé ? Gregory Maqoma propose une pièce envoûtante et sensible, qui le situe indéniablement parmi les talents actuels de la chorégraphique, et oppose sa mythologie personnelle à toute tentative de lecture exotique.

Chamber Dance, Alban Richard

Retour dans la rotonde, où les chaises ont laissé place à des coussins disposés en cercle sur le sol, autour d’une table de mixage. La veille, Alban Richard et son ensemble L’abrupt avait présenté sa dernière création, Boire les longs oublis. Ce soir, place au solo Chamber Dance. La lumière baisse, et Alban Richard pénètre sans préambule au centre du cercle. Le regard concentré, il s’emploie alors à habiter l’espace restreint qui le sépare de son public, médusé.

Lentement, soutenu par les échappées électroniques de Laurent Perrier aux platines.le chorégraphe nous fait sentir le poids de son corps, tandis qu’il se risque à des enchaînements qui défient la gravité. À ces postures, qui peuvent rappeler le tai-chi par la lenteur de leurs enchaînements, il ajoute peu à peu un jeu de grimaces et de distorsions faciales qui vont jusqu’à suggérer le cri. On pense notamment aux expressions hantées par l’angoisse du sculpteur Franz Xaver Messerschmidt. La tension est à son comble quand il quitte son arène, laissant derrière lui un public exsangue et désorienté.

 


Crédits photographiques : Beautiful Me, Gregory Maqoma © Val Adamson
Chamber Dance, Alban Richard ©  Agathe Poupeney

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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